Sémir AL WARDI, TAHITI NUI OU LES DERIVES DE L’AUTONOMIE, Éditions L’Harmattan 2008

Publié le par TEMOTEM

Professeur à l'Université de la Polynésie française, Sémir Al Wardi enseigne le Droit, et fait publier régulièrement des analyses sociopolitiques sur la Polynésie française.

Sa thèse "
Tahiti et la France, le partage du Pouvoir" soulignait particulièrement les contradictions du statut d'autonomie et la relation paradoxale qu'entretient le gouvernement polynésien avec le gouvernement central. Cette étude dense et complète sur l'évolution du statut d'autonomie expose l'évolution des acquis de la Polynésie française (hymne, sceau, institutionalisation du président, emploi du terme "pays", etc.) et le terme de "Statut d'autonomie, anti-chambre de l'indépendance?" employé par Sémir AL WARDI a provoqué une certaine crise de conscience, celle qui remettait en question un lien éternel à la France.

Dans ce présent ouvrage, comme l'indique le titre ("
dérives de l'autonomie"), l'auteur nous montre la construction d'une forme d'autoritarisme légiféré et justifié au nom d'une émancipation des pouvoirs. Il semblerait, de premier abord, que l'auteur n'a plus la même neutralité dans son analyse, qu'il n'avait dans le 1er ouvrage. A peine 5 lignes sur les dérives racistes de certains gouvernements, par exemple, alors qu'il existe des documents archivés de procès verbaux disponibles dans les institutions; des références bibliographiques au "courrier des lecteurs" qui parfois, ne sont que des courriers téléguidés par les partis politiques locaux.

Ce qui attire plus notre attention, c'est l'argument développé selon lequel le statut de "pays associé", soit une indépendance légèrement amoindrie, était déjà planifié depuis 15 ans: en effet, les références journalistiques ou aux discours sénatoriaux sont sans équivoques et la surenchère statutaire en Polynésie avait un but bien précis. Après avoir lu "Les dérives de l'Autonomie", demeure ainsi l'impression que l'union entre les "fervents" indépendantistes et les "fervents" autonomistes était prévisible dans le scénario de notre histoire.

Interrogé sur la volonté de certains îliens de demeurer au sein de la République française en cas de "largage pour l'indépendance", monsieur Al Wardi a répondu que la création d'un nouveau statut pour les Archipels, qu'ils deviennent département ou collectivité autonome, n'est pas réaliste, car trop coûteuse pour le gouvernement central. Quelles sont les alternatives pour les îliens? pour l'instant une politique de décentralisation peut seule véritablement rompre le rapport "nécessiteux" à l'île administrative de Tahiti. (une analyse sur le comportement politique îlien est d'ailleurs faite à ce sujet, voir plus bas)

 

Ci-dessous, quelques notes et citations pour vous donner un aperçu de cet ouvrage disponible sur le site de l'Harmattan et dans les librairies locales.


Introduction

 

Jean François Baré, « Le Malentendu Pacifique » : la vie politique en PF se résume à « qui est contre qui, et combien de temps cela durera-t-il ? »[1]

 

L’instabilité politique s’inscrit dans toutes les chroniques océaniennes : îles Salomon, Cook, Tuvalu, etc.

 

Thierry Michalon, « L’affectivité contre la modernité » 2006 : l’affectivité est culturelle dans le monde insulaire ; tout se base et se dénoue par rapport à l’affectif.

 

I-                   L’obsession de la France

 

Michel GIRAUD, « Revendication identitaire et cadre national », 2005 : « Le rapport colonial est fondateur de toute chose »[2] La vie politique locale est obsédée par ce rapport à la France (métropolitaine) au détriment du développement économique et social.

 

Stéphane DIEMERT, « La Constitution, l’Autodétermination des populations d’outremer et l’appartenance à la République : de nouvelles perspectives », remarque un changement radical de la position des territoires d’outremer par rapport à la consultation possible de 1958 : la possibilité d’émancipation des peuples sans consultation des populations, mais via le droit.[3]

 

Article 53 de la Constitution : il faut nécessairement consulter les populations ; puis demander au parlement de voter une loi autorisant la sécession[4]

 

Loi du 27 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l’outremer, chapitre 1er : « Mayotte fait partie de la République, elle ne peut cesser d’y appartenir sans le consentement de sa population. »

 

Evolution constitutionnelle de 2003 : création des collectivités d’outremer et article 72-3 « La République reconnaît, au sein du peuple français, les populations d’outremer, dans un idéal commun de liberté, d’égalité et de fraternité »

 

Le conseil constitutionnel, dans une décision du 9 mai 1991, au sujet du statut de la Corse, fait un lien entre « peuples d’outremer » et « droit à la libre détermination ». Le mot « peuple » de 1991 sera remplacé par le mot « populations »

 

« La République ne peut pas déclarer unilatéralement une collectivité d’outremer indépendante. Elle a le pouvoir de décider et d’organiser un référendum et même de choisir sa lecture du référendum (archipel par archipel ou lecture globale par résultat) mais seule la population concernée peut décider ou non de quitter la République. »[5]

 

François LUCHAIRE, « L’autonomie de la Polynésie française et la République », « La Polynésie ne pourrait quitter la République et devenir un Etat indépendant sans une révision de la Constitution »[6]

 

La procédure d’autodétermination de l’outremer reste inchangée.

 

Ce qui détermine les comportements :

Ø      Les élites politiques[7] se positionnent par rapport à la présence française

Ø      Surenchère statutaire, réclamation de plus de compétences

Ø      Rendre l’Autre exogène : il n’est pas du pays, marquer une distinction entre les communautés.

Ø      Construire un pouvoir qui ressemble de plus en plus à celui d’un Etat

 

Gaston Flosse, Tahiti Business, n°30, février 2005 : « il y a plusieurs façons de rester français. On peut le rester en étant associé à la France plutôt que d’être un pays complètement inscrit dans la France. Mais nous n’avons pas intérêt à nous séparer de la France »

 

Sur les Accords de TAHITI NUI : prévoit un statut de pays associé puis des négociations statutaires tous les 5 ans et enfin, le processus d’un référendum d’autodétermination.[8]

 

3 TYPES DE NOMADISMES POLITIQUES (Yves Louis Sage, maitre conférencier de droit privé à l’UPF)

 

Le nomadisme politique existe car les facteurs de déstabilisation sont « mis à l’abri sur la liste de [ce] parti »[9]

 

ü      L’opportuniste

 

1980 : Gaston Flosse anti autonomiste convaincu mais réalise que le thème d’autonomie est « porteur »[10]

 

Gaston Flosse, peut-il, par opportunisme, devenir indépendantiste ?[11]

 

Les mots de Gaston Flosse : réconcilier les groupes politiques face à un « Etat menaçant »

 

ü      Le nécessiteux

Par nécessité, les élus des Archipels éloignés sont obligés de se rapprocher des dépenses publiques.  « Ces élus jouent la carte de la survie »[12]

 

Jean-Alain FREBAULT : « Je souhaite le développement de mon archipel et je veux éviter que les îles qui se sont manifestées à 100% Tahoera’a aux dernières élections subissent des contraintes ou soient maltraitées. C’est pour protéger tout cela que je dois passer de l’autre côté »[13]

 

Teina MARAEURA : « L’intérêt des populations est que l’on s’occupe d’elles quel que soit le parti politique »[14]

 

Moehau TERIITAHI : « tous les gens qui parlent de bascules devraient venir vivre un peu dans les îles. Je crois que là, ils comprendraient un peu mieux la situation. Vivre dans les îles avec tous les problèmes qu’on rencontre tous les jours »[15]

 

ü      Le traitre

 

« C’est le cas de Noa TETUANUI qui passe de l’UPLD au TAHOERA’A et permet à ce dernier de revenir au pouvoir par une motion de censure, ou d’Emile Vernaudon et Hiro Tefaarere, élus UPLD qui permettent le retour des autonomistes et du Tahoera’a en décembre 2006 »[16]

 

Le nomadisme fait partie de la culture politique polynésienne, depuis les années 60.

 

Lettre de Rudy Bambridge, en réponse à Jacques Baumel secrétaire général du parti UNR à Paris, qui ne comprend pas qu’un Polynésien prenne position contre les essais nucléaires à Paris, tout en représentant le parti gaulliste à Tahiti : « quoi qu’on puisse en dire à Paris, l’ex RDPT comprend un certain nombre d’hommes valables, lucides et courageux ; j’en donne pour témoignage que l’un d’eux, M. Jacques Drollet[17], avec qui nous entretenons une collaboration suivie, a proposé et fait voter, par la commission permanente, la cession gratuite à l’Etat de l’atoll de Mururoa »

 

Ceux qui refusent le clivage indépendance / autonomie

 

Un clivage qui ne nourrit que les partis « opposés ».

 

Jean-Christophe LAGARDE : « La loi électorale vise à placer le parti majoritaire et le parti indépendantiste seuls l’un face à l’autre, et donc à priver d’expression tous ceux qui refusent l’indépendance mais voudraient changer de majorité »[18]

 

II-                La construction du Pouvoir local

III-             La fin de l’impératif nucléaire

IV-             La tentation autoritaire

V-                Une complicité de l’Etat

VI-             Le déclin de la tentation autoritaire, chronologie des crises politiques

VII-          L’UPLD au Pouvoir, la stratégie de l’Indépendance

VIII-       La Polynésie et la République

IX-             Conclusion



[1]  p.9 du livre

[2] 13

[3] 15 + option soulevée, il me semble par Antony Géros en 2005. L’accès à l’Indépendance se fera dans ‘le respect du droit’

[4] 15

[5] Sémir AL WARDI, 16

[6] Revue juridique polynésienne, hors série, 2004, p.4

[7] Il semble que SAW ne prenne en compte que le Tahoera’a et le Tavini. Rien ne permet vraiment de dire que les autres partis souhaitent faire la distinction ethnique ou rendre « l’Autre exogène ».

[8] 20

[9] Jean Marc REGNAULT, « Le Pouvoir confisqué en Polynésie française »

[10] 21

[11] Question de SAW

[12] Claudie Quillien, administrateur des TUAMOTU GAMBIERS, le 28 janvier 2001

[13] Les Nouvelles de Tahiti du 25 juin 2004

[14] Tahiti Business mai 2007, n°56

[15] Les Nouvelles de Tahiti du 27 mai 2006

[16] Surprenant jugement de valeur : Pourquoi nommer l’exemple de Noa Tetuanui ; l’auteur veille cependant à conserver l’anonymat d’autres personnes impliquées en politique.

[17] Il ne s’agit pas de Jacqui Drollet qui est revenu sur le territoire en 1973 après ses études en métropole.

[18] Assemblée Nationale, 3ème séance du mardi 13 janvier 2004, p.13

Publié dans Revue de Livre

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