Grenelle de l'Environnement: une priorité à laquelle on ne peut pas renoncer
Demande d’avis sur un Projet de loi relatif à la mise en œuvre du Grenelle de l’Environnement
Mon intervention vise à nous faire réfléchir sur une gestion environnementale plus adéquate, notamment pour notre pays et surtout pour les pays éloignés.
Il est temps de mettre notre pays à la page de la démarche mondiale, celle de la conscientisation des peuples sur leur avenir.
Est-il possible de concevoir que dans soixante ans, les habitants d’atolls vivent un exode vers des terres qui ne leur appartiennent pas,
Est-il possible de concevoir qu’un jour, les 2000 habitants de TAKAROA soient contraints d’abandonner derrière eux des parcelles de vies et de souvenir, et qu’ils se retrouvent peuple nomade et déraciné ?
Connaitrons-nous, nous aussi, le même destin que les futurs réfugiés de TUVALU ? Ce micro pays composé d’atolls dont l’altimétrie ne dépasse pas 3 mètres au dessus des eaux, est voué à disparaitre d’ici 50 ans. Ces îliens connaissent la dépendance au pétrole, de la même façon que nous la connaissons. Et portés par l’espoir et la conscience soudaine que leur civilisation est victime du réchauffement climatique, comme d’autres civilisations furent victimes de guerre, le gouvernement de TUVALU développe un plan d’urgence d’énergie renouvelable et de développement durable : huile de coco et éolienne sont désormais des moteurs phares de leur société.
Le développement durable est à l’ordre du jour.
Il l’a toujours été, car je me souviens bien qu’il y a 15 ans, certains en parlaient mais ils ne furent pas entendus.
Je me souviens du drame des glissements de terrains de TAHAA, dus aux fortes pluies : la nature parlait aux hommes, mais elle ne fut pas entendue non plus.
Pour tous les élus des îles, et particulièrement, celles et ceux originaires d’atolls de faibles altimétries, se pose un dilemme : Doit-on investir dans des structures coûteuses alors que nos atolls sont condamnés par une montée des eaux irrémédiable, prévue et calculée. Rappelons que la montée des eaux, a été récemment évaluée entre 20 et 60 cm selon le Groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat.
Je me pose aussi la question de savoir s’il ne serait pas plus intelligent de prévoir d’autres engagements tels que l’immigration des populations ; les populations des atolls n’ont pas les moyens de s’acheter des terres dans les îles hautes. Ces habitants qui seront nomades par la force des choses, seront forcément à la charge du gouvernement polynésien. Qu’allons-nous prévoir pour leur avenir ?
Comme nous l’expliquait notre ministre des Mines et Energies en répondant à une question orale, doit-il se soucier de la survie de ses enfants et petits enfants aujourd’hui en faisant référence bien sûr à Mataiva et son phosphate.
Dès aujourd’hui, ou plutôt, nous aurions dû commencer « hier », nous devrions combiner à la fois une politique de conscientisation collective sur les comportements écologiques à adopter, avec des plans d’évacuation et d’immigrations, et nous devrions surtout faire en sorte que l’écogouvernance se transmette façon instinctive, peu importe les politiques qui seront élus par la population.
Les divers moyens de développement d’énergie renouvelable doivent être accessibles à tous : Par exemple, l’installation de panneaux photovoltaïques ne doit pas être aussi coûteuse qu’elle ne l’est aujourd’hui. Pourquoi ne pas favoriser ce dispositif aux îles du vent.
Les îles du Pacifique sont aux premières loges du réchauffement climatique[1] et 43 petits pays insulaires du Pacifique qui prévoyaient déjà la montée des Eaux des Océans, s’associaient en 1994 sous la tutelle de l’ONU pour prendre des directives sur la protection et sur l’exode éventuel de leur population.
Quatorze ans plus tard, le 6 juillet 2007, le ministre Jean Louis Borloo présente l’organisation du Grenelle de l’Environnement[2] dont les axes et les ateliers sont clairement indiqués dans la présentation de ce rapport. L’outre mer représente 97% de la superficie des eaux maritimes françaises, et 14 sur 17 des éco-régions françaises[3].
Le Grenelle de l’Environnement est en symbiose avec notre volonté politique d’une meilleure gestion écologique et d’un développement durable concret, comme il est noté dans le programme de To Tatou Ai’a, et ce Grenelle accompagne, surtout, le Contrat de Projets que nous avons étudié récemment.
Les difficultés qui s’imposent à nous, peuples îliens du Pacifique, c’est l’accroissement de notre population ; la gestion des déchets générés par cette population et la consommation de masse ; ainsi que l’aménagement de notre territoire habitable restreint.
Mais aussi, et nous en avions discuté à la dernière séance, la faible altimétrie de nos atolls menacés de disparition d’ici une soixantaine d’année selon les dernières expertises sur la montée des Eaux.
Le 1er axe du Grenelle de l’Environnement touche directement la Polynésie française avec la géothermie océanique, plan d’envergure qui doit être initié le plus tôt. Le Grenelle de l’Environnement doit développer une politique de valorisation énergétique des déchets.
Pour ma part, la question de la consommation énergétique du produit aura un impact immédiat sur notre attitude alimentaire, puisqu’il s’agit de taxer le produit- par exemple, les fraises- dont le transport aura contribué le plus à la pollution ; nous sommes éloignés de tous les continents, donc l’importation de produits alimentaires sur nos îles est forcément motrice de pollution. La consommation énergétique nous concerne, ainsi que la question du parc nucléaire qui crée une mésentente entre ceux qui veulent s’appuyer sur l’énergie électronucléaire et ceux qui ne le veulent pas. Combien nous coûtera l’éco-gouvernance ? Nous sommes en droit de nous soucier de cette question.
Malgré ces réflexions, dans l’intérêt général, nous ne pouvons pas faire « sans » le Grenelle de l’Environnement, tout comme nous ne pouvons pas ignorer les accords de Kyoto ;
Les territoires ultra-marins ont fait l'objet d'un chapitre spécial lors du Grenelle de l'environnement à l'automne dernier. En novembre 2007, Christian Estrosi avait par exemple fixé un objectif d'autonomie à 50% des collectivités d'outre-mer à l'horizon 2020, en termes de consommation, notamment grâce aux énergies renouvelables.[1] Le secrétaire d’Etat à l’outremer avait alors affirmé que "L'outre-mer ne peut être absent de toute action en faveur de cette limitation impérative des rejets de CO2"
Le 3ème axe du Grenelle de l’Environnement vise tout particulièrement les préventions sismiques et Tsunamis, les risques de glissements de terrains et prises en compte de l’aménagement du territoire : ces études se sont faites dans le cadre des collectivités d’outre mer.
Des réunions interrégionales, des consultations de partis politiques et des groupes de travail composés d’experts se sont penchés sur des thèmes touchant au transport collectif- que nous devrions revoir localement-, l’étalement urbain, les règles d’urbanisme, les biocarburants, les conservations des espèces, les ressources naturelles, les qualités de notre alimentation et le développement d’une agriculture saine. Mais aussi dans un principe innovateur, les « brainstorming » ont repensé les gouvernances en « gouvernance écologique » mettant en avant la fiscalité écologique et les modifications des comportements consommateurs.
Tout cela doit nous faire prendre conscience, tout particulièrement nous les insulaires du Pacifique, que l’action écologique relève de la prévention, de la fiscalisation, de la technologie et qu’en conséquence, notre gouvernance « écologique » doit être un travail interministériel, un travail de collaboration entre partenaires sociaux et politiques et notre population.
Nous sommes, en conséquence pour cet esprit du texte et nous sommes en faveur du Grenelle de l’Environnement.
Mais je conclurai que le Grenelle de l’Environnement nous inscrit dans une logique de conscience mondiale, que nous devons adapter à notre peuple îlien, particulièrement menacé par la montée des eaux. Ce n’est pas plus un drame, qu’une réalité, de reconnaître que notre pays devra, d’ici une soixantaine d’année, gérer l’immigration de population qui se retrouveront sans terres.
Je vous remercie de votre attention.
[1] L’Océanie face à la montée des Eaux : l’impossible barrage contre le Pacifique. http://echo.levillage.org/290/5645.cbb
[2] Conférence de presse du 6 juillet 2007, donnée par Jean Louis Borloo, Dominique Bussereau et Nathalie Kosciusko-Morizet.
[3] La forêt guyanaise est l’un des 15 derniers grands massifs de la forêt tropicale, la Nouvelle calédonie possède le 2nd « lagon du monde »