Sur le droit des marques

Publié le par TEMOTEM

Séance du jeudi 30 octobre 2008

 

 

Rapport 85-2008 relatif à l’avis de l’assemblée de la Polynésie française sur un projet de loi autorisant la ratification du Traité de Singapour sur le droit des Marques (ensemble règlement et résolution) 





A ce jour, le Service des Affaires Economiques nous apprend que seulement 7 pays
[1] ont ratifié ce projet de loi ; il en faut dix pour que la loi soit en vigueur.

Au sujet du droit des Marques, nous devons distinguer l’utilisation du mot polynésien dans la culture des autres,

et l’exploitation industrielle du mot polynésien, en tant que marque.

 

On ne peut pas empêcher les mots d’une langue d’être exploités par une autre culture.

 

On ne peut pas empêcher les autres cultures d’utiliser des mots d’origine polynésienne. Par exemple, environs 40% des mots de la langue française sont d’origine anglo-saxonne, on retrouve aussi dans cette langue, des mots arabes comme toubib ou kiffer. Le français d’aujourd’hui n’est pas le même que dans les années 50, c’est pareil pour le Tahitien, le Marquisien ou le Paumotu, nos ancêtres ne parlaient pas de la même façon que nous.


On peut même trouver dans le dictionnaire français, les mots « vahine » ou « paréo » (pareu), ou encore « tabou ». Vahine est devenu une marque pour les sachets de levure et de vanille. Le joli prénom Hinano est devenu une marque de bière. Que peut-on y faire ? C’est ça la mondialisation.

 

La langue, c’est comme la culture, elle est vouée au métissage si elle veut survivre.  Ces mots tahitiens ne sont plus orthographiés de la même façon, mais même nous, nous avons adapté des mots occidentaux à notre langue : te pata, vient de « butter » le mot anglais, painapo, vient de pineapple.

 

Je vous dis ceci, parce que nous devons bien distinguer, ici, la protection de nos mots utilisés à des fins commerciales, de l’utilisation des mots de notre langue qui sont vulgarisés à l’extérieur de notre pays.


Nous ne devons pas limiter l’utilisation des mots polynésiens à l’extérieur de notre pays, ces mots sont des véhicules de notre culture et nous devrions être satisfaits qu’ils pénètrent la culture des autres. L’UNESCO a comptabilisé environs 6000 langues différentes sur la planète et a constaté la disparition rapide des langues des cultures non industrielles, il est donc important de laisser aux gens la liberté de la langue.


Cependant, il existe aussi des mots et des prénoms polynésiens qui sont bien réservés à nos familles, à notre culture. Ces mots là, ces prénoms, nous devons les protéger de toute exploitation commerciale extérieure.

 

Il ne serait pas étonnant d’apprendre qu’avant que Nicolas Hulot n’ait baptisé son émission Ushuaïa, et puis qu’il ait sorti la marque du gel douche Ushuaïa, peu de personnes connaissait l’existence de cette terre à la pointe de l’Amérique du Sud. C’est un choix du pays de laisser faire, ou de contester.

 

L’utilisation commerciale d’un mot ou d’un nom, appartenant à une culture qui n’est pas industrielle, peut être interprétée parfois comme un vol.

 

Que la grande compagnie PALMOLIVE utilise le nom de notre île, Tahiti, pour une marque de gel douche, a ses avantages et ses inconvénients.

-         Ses avantages parce que la promotion de Tahiti est faite indirectement ;

-         Ses inconvénients, parce que ce produit prête à confusion, surtout lorsqu’il s’agit du Tahiti douche crème satin fleur de Tiare ; on pourrait penser en effet, que ce produit est du « Made in Fenua », puisque la fleur de Tiare ne pousse que chez nous. Ce n’est pas le cas, le parfum de synthèse remplace l’authenticité de notre fleur emblématique.



Mais il n’y a pas que Palmolive, il existe aussi des compagnies américaines de produits cosmétiques qui vendent des crèmes de bronzage « Monoï », ce qui a plus de mal à passer parce qu’il s’agit de crèmes et non pas d’huile parfumée qui est la véritable signification du mot.

 

L’esprit d’entreprise à grande échelle n’est pas forcément dans nos mentalités, cependant il est temps, en 2008, que la Polynésie se mette à la page des pays industrialisés, en mettant en place ce que nous pourrions appeler un Département de Protection des Marques Polynésiennes (« DPMP ») au sein de la CCISM.

Il s’agit de motiver le dépôt individuel des marques, mais seulement s’il y a une exploitation commerciale locale, sinon, on risque d’enfermer notre langue, et par là même, notre culture.

 

Je vous remercie de votre attention.

 



[1] USA, Danemark, Kirghizistan, Lettonie, Suisse, Singapour, Bulgarie

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article