M. Benoit KAUTAI interroge le Ministre de la Santé sur les moyens de prévention contre la grippe porcine et les autres maladies épidémiques
Question orale de Monsieur Benoit KAUTAI
Groupe TO TATOU AIA
(Séance du 14 mai 2009)
adressée à Monsieur Nicolas BERTHOLON, ministre de la santé
Objet : Etat des mesures des moyens de prévention contre la grippe porcine et les autres maladies épidémiques.
Monsieur le ministre,
Depuis plusieurs semaines maintenant, la grippe porcine, désormais connue sous le nom de grippe A, et issue du virus H1N1, est sous les feux de l’actualité.
Si la propagation du virus semble s’être calmée, il n’en demeure pas moins que de nouveaux cas continuent à être détectés et ce sont aujourd’hui plus de 30 pays qui ont été touchés par le virus et plus de 2300 (plus de 6400 au 14 mai 2009) personnes contaminées et plus de 65 décès.
En Polynésie, ce week-end, un cas suspect a été identifié, au cours de la compétition de surf à Teahupoo ; se révélant fort heureusement n’être qu’une fausse alerte. Mardi, un nouveau cas suspect a été révélé par la presse, une jeune étudiante de retour d’un voyage aux USA. Au total ce sont quatre jeunes lycéens qui, à ce jour, sont en observation. L’occasion de voir à l’œuvre les procédures d’urgence en vigueur dans notre pays.
Aussi, si l’épidémie ralentie, elle ne semble pas complètement circonscrite. De fait, la vigilance doit rester de rigueur.
Et il en va de même pour d’autres épidémies, moins médiatisée peut-être, mais plus proche de nous telles que la dengue. La presse nous a appris lundi que l’ensemble des archipels du pays étaient désormais touchés.
La dengue de type 4, nouvellement réapparue chez nous, peut s’avérer très grave et peu de nos habitants sont immunisés contre elle.
Aussi, Monsieur le ministre, nous souhaiterions que vous fassiez à notre institution un point global de l’ensemble des mesures de prévention mises en œuvre en Polynésie française pour faire face aux épidémies qui sévissent ou menacent de sévir dans notre pays :
- Qu’en est-il du suivi des cas suspects identifiés ces derniers jours ?
- Qu’en est-il des campagnes d’information et de sensibilisation ?
- Y’a-t-il une mise en commun des moyens pour lutter contre la dengue et la grippe de type A ?
- Qu’en est-il, pour ces deux maladies, de la coopération avec les instances nationales ?
Je vous remercie, Monsieur le ministre, de l’ensemble des informations que vous saurez nous fournir.
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Réponse du Ministre de la Santé
Votre question orale relative aux mesures de prévention mises en œuvre en Polynésie française pour faire face aux épidémies qui sévissent ou menacent de sévir dans notre pays m’inspire une réponse en deux temps car traitant de deux virus aux modes de transmission et à la typologie totalement différents.
J’exposerai premièrement le point de situation de l’épidémie de Dengue de type 4 arrété au mercredi 13 mai pour la Polynésie française. Je développerai ensuite, les mesures mises en place par les services du Pays et de l’Etat pour une réponse la plus efficace possible face à une pandémie de Grippe A.
DENGUE DE TYPE 4 :
Il existe 4 types de virus de la dengue. Le type 4 n’est ni plus, ni moins dangereux qu’un autre. Par contre, comme il n’y a pas eu d’épidémie de Dengue de type 4 en Polynésie française depuis les années 1980, les personnes nées ou arrivées sur Territoire depuis lors ne sont pas immunisées. C’est pourquoi ce virus peut atteindre particulièrement ces personnes.
Les signes de cette infection sont ceux de toute dengue, c’est à dire un ensemble de symptômes associant une fièvre, des courbatures, des céphalées et une grande fatigue. Ces signes disparaissent seuls dans la grande majorité des cas. Quelques cas peuvent se compliquer et nécessitent une hospitalisation.
Situation épidémiologique en Polynésie française
L’épidémie de dengue de type 4 se poursuit en Polynésie française, avec un nombre croissant de cas déclarés.
Depuis le début de l’année 2009 et jusqu’à la fin de la semaine 18 : 383 cas de dengue 4 et 100 cas de dengue 1 ont été confirmés en laboratoire. Après avoir atteint les îles de Tahaa et Bora-Bora où l’épidémie est désormais très avancée, Tahiti connaît maintenant une croissance rapide de son nombre de cas, alors que les îles de Raiatea, Moorea, Ua-Pou enregistrent 2 à 5 nouveaux cas par semaine.
Pour la semaine 18 : 113 nouveaux cas de dengue biologiquement confirmés ont été enregistrés au bureau de veille sanitaire de la direction de la santé dont 60 cas de dengue 4.
Parmi les nouveaux cas confirmés de dengue 4, la majorité réside à Tahiti (42 cas) et aux Iles-sous-le-Vent. Tous les archipels sont désormais touchés par des cas de dengue 4. Enfin, les 2/3 des cas confirmés de dengue 4 sont des enfants âgés de 5 à 19 ans.
Deux enfants de moins de 4 ans ont été hospitalisés au CHPF pour dengue, portant le nombre total d’hospitalisés à 9 depuis le début de l’épidémie. Aucune de ces personnes n’a présenté de signe de dengue sévère ou hémorragique.
Rappel des mesures mises en place en Polynésie française
Dans ce contexte, les autorités de santé du Pays maintiennent et renforcent leurs actions à travers :
Ø L’information systématique des malades sur les mesures de prévention à respecter : notamment la protection contre les moustiques pour éviter la contamination de l’entourage ;
Ø Le Passage du Centre d’hygiène et de salubrité publique pour pulvérisation d’insecticide (2 passages à 10 jours d’intervalle) et aide à la destruction des gîtes larvaires, autour des maisons de tous les nouveaux cas déclarés ;
Ø L’information de tous les professionnels de santé pour permettre un diagnostic et une prise en charge précoces des cas suspects ;
Ø L’information des professionnels du tourisme et des responsables de collectivités et d’accueil du public pour un renforcement de la lutte contre les gîtes larvaires et pour un éventuel traitement insecticide.
Une lettre conjointe émanent de la Vice-Présidence et du ministère de la santé, a également été adressée aux maires de Polynésie française le 23 mars 2009, attirant leur attention sur l’importance de mettre en place ou de renforcer les actions communales qui peuvent avoir un impact sur la présence de moustiques.
Parmi les actions possibles, il a été recommandé de mettre l’accent sur :
Ø Le curage des caniveaux,
Ø Le nettoyage des gouttières et des systèmes d’évacuation d’eaux pluviales au sol dans les lieux publics ainsi que la vérification de l’étanchéité des système d’assainissement,
Ø L’incitation de la population à la lutte contre les gîtes à domicile et au travail par les moyens de communication locaux (messages radiophoniques, journaux locaux …),
Ø Le ramassage des carcasses de véhicules,
Ø Le ramassage des déchets encombrants,
Ø Le renforcement de l’incitation à l’utilisation des poubelles par la population.
Enfin, le bureau de veille sanitaire de la Direction de la Santé assure le suivi épidémiologique des cas déclarés par les structures de soins et les laboratoires, et organise les actions de prévention autour des nouveaux cas : conseils de protection individuelle, démoustification du domicile et du voisinage par les services de lutte anti-vectorielle de la Direction de la Santé.
Le signalement précoce des cas suspects par les médecins, et particulièrement les partenaires du réseau sentinelle, avec l’obtention du diagnostic biologique rapide à l’Institut Louis Malardé, sont essentiels pour permettre la mise en place rapide des mesures de prévention et l’adaptation des moyens si nécessaire.
Campagne de communication « Stop a la Dengue »
Des messages d’information et de prévention appelant la population à appliquer les mesures essentielles de lutte contre la Dengue, sont diffusés par radio, télévision et affichage. Ils incitent à :
Ø Lutter contre les gîtes à moustiques, en détruisant systématiquement toutes collections d’eau stagnante : vases, soucoupes, gouttières, pneus, boîtes de conserves, etc.
Ø Se protéger contre les piqûres de moustiques de jour comme de nuit, à travers l’utilisation de produits répulsifs pour le corps, de moustiquaires, de diffuseurs électriques et de serpentins à l’extérieur des maisons.
Une transmission hebdomadaire aux médias d’un point presse relatif à l’état de la situation épidémiologique de la Dengue en Polynésie française est assurée, tous les jeudis, par le ministère et la direction de la santé.
GRIPPE A :
Une alerte sanitaire a été déclenchée par l’Organisation Mondiale de la Santé suite aux déclarations par plusieurs pays de cas d’infection humaine par un nouveau virus grippal influenza A du au virus de la grippe H1N1.
Il s’agit d’une maladie du porc qui s’est adaptée à l’homme. La transmission inter humaine de personne à personne, indépendamment de tout contact animal, est maintenant formellement établie.
Cliniquement, rien ne permet de différencier la grippe porcine de la grippe saisonnière ou de tout autre syndrome dit « grippal » (fièvre, douleurs musculaires …). Il n’y a pas actuellement de vaccin disponible, le vaccin anti-grippal contre la grippe saisonnière n’est pas efficace, mais il existe un traitement antiviral, le Tamiflu.
A l’heure actuelle, le niveau 5 de l’alerte sanitaire concernant une menace de pandémie par le virus grippal influenza A (H1N1) est maintenue par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS).
Situation épidémiologique dans le monde
Au 14 mai 2009, 35 pays dans le Monde ont notifié des cas d’infection humaine, et 6.498 cas ont été enregistrés:
- au Mexique : 2.446 cas dont 60 décès
- au Etats Unis : 3.352 cas dont 3 décès
- au Canada : 389 cas dont 1 décès
- en Europe (Espagne : 100, Angleterre : 71, Allemagne : 12, France : 14 dont 13 sortis de l’hôpital)
- en Nouvelle Zélande : 7 cas
- en Australie : 1cas confirmé
- au Japon : 4 cas confirmés
Aux Etats-Unis, la circulation communautaire active est très vraisemblable dans les états de New-York, du Texas, de la Californie, de l’Illinois et du Wisconsin. A ce titre, les Etats-Unis abandonnent progressivement la surveillance individuelle au profit d’une surveillance de type grippe saisonnière avec une évaluation de la morbidité, du taux de mortalité et de la virologie.
Mesures mises en place en Polynésie française
Dès les premiers signaux d’alerte de l’OMS, le vendredi 24 avril 2009, le ministère de la santé a immédiatement engagé les mesures adéquates à la préparation de la Polynésie française à une situation d’alerte de pandémie :
- La mise en place d’une cellule de suivi quotidienne de l’évolution de l’épidémie associant étroitement le Haut-commissariat, la Présidence du pays, le ministère de la santé et la direction de la santé.
- Le renforcement des mesures aux frontières à l’aéroport international et au niveau des ports maritimes.
- Le renforcement de la surveillance par la détection précoce des cas par un dispositif de traçabilité des passagers aériens.
- Une mise en alerte du réseau des professionnels de santé.
- Un dispositif d’analyses par l’institut Louis Malardé est en cours de mise en place et permettra de raccourcir les délais de résultat.
- La préparation du dispositif sanitaire. Elle cible notamment la vérification du pré-positionnement des produits de santé et des équipements de protection (traitements antiviraux, masques), l’organisation des soins, la conduite d’exercice pour la prise en charge des cas suspects, la préparation des textes réglementaires pour les mesures de mise en quarantaine et des mesures d’isolement, l’information du grand public sur les règles à suivre et les comportements à adopter.
- La mise en place du Centre Opérations du Pays (COP) qui a pour missions d’analyser l’information, de coordonner les actions entre les ministères et les services susceptibles d’intervenir sur le terrain ou de participer à la mise à disposition rapide d’hommes ou de matériels.
- La constitution d’un stock composé aujourd’hui de 250.000 maques FFP2 et de 1.8 Millions de maques chirurgicaux ainsi que 48.000 traitements Tamiflu.
- Le lancement d’une campagne d’information et de prévention destinée au grand public rappelant les mesures préconnisées pour limiter la propagation du virus et se prémunir contre les risques d’infection. Elles consistent en un rappel des mesures d’hygiène élémentaires : le lavage des mains, l’utilisation de mouchoirs en papier pour se moucher, éternuer et cracher avant de les jeter à la poubelle. Elle incite également les personnes présentant des symptômes de la grippe A, d’éviter tout déplacement et d’appeler leur médecin traitant ou le 15 (SAMU).
Cette campagne en deux temps à débuté le 7 mai 2009 par :
- la diffusion de spots d’information et de prévention, en français et en tahitien, sur les 11 principaux canaux radiophoniques,
- la diffusion d’affiches spécifiques grippe A (H1N1), en français et en tahitien, dans les établissements fréquentés par le public : les étalissements de l’administration territoriale et de l’Etat, les services du pays et de l’Etat, les entreprises, les mairies, les écoles, les garderies, les structures de santé publics et privés, les pharmacies, les offices de postes et les gendarmeries.
Dans un deuxième temps, une nouvelle série d’affiches à destination des enfants et des adultes et qui abordent de manière générale la prévention de la grippe et d’autres maladies virales respiratoires (rhumes, bronchites).
Enfin, un spot télévisé spécifique, en français et en tahitien, sera diffusé à partir du 18 mai 2009.
Cette campagne de grande envergure sera amenée à évoluer en fonction de l’évolution de la situation épidémiologique.
En parallèle, des séances d’éducation à la santé sur le thème de l’hygiène et de la prévention des maladies seront menées dans les établissements scolaires par les structures de la Direction de la santé en collaboration avec le Ministère de l’Education.
Enfin, les autorités de l’Etat et du Pays, assurent conjointement une transmission quotidienne aux médias d’un bulletin d’information relatif à l’état de la situation épidémique de Grippe A(H1N1) au niveau mondial et local, afin d’assurer une information permanente de la population.
Situation épidémiologique en Polynésie française
A ce jour, aucun cas d’infection confirmé n’est recensé en Polynésie française.
Le caméraman originaire de Floride, présent à la compétition de surf « Billabong Pro 2009 », qui présentait les premiers symptômes de la grippe, a été évacué le samedi 09 mai 2009 vers le centre hospitalier de Mama’o.
En application du dispositif de prise en charge des cas suspects, ce patient a été pris en charge par le SAMU, traité, et isolé.
Afin d’éviter toute désinformation, un communiqué de presse faisant état de la prise en charge d’un cas potentiellement probable ayant une grippe de type non précisé a rapidement été transmis aux médias, le samedi 09 mai 2009.
Après investigation, il s’est avéré que ce cas ne relevait pas de la définition d’un cas dit « suspect ». Cette personne, bien que présentant un syndrome respiratoire aigu brutal, n’avait pas séjourné dans un pays touché par la Grippe A (H1N1) dans les 7 jours précédant l’apparition des premiers symptômes.
Un second communiqué de presse annonçant la levée des mesures exceptionnelles le concernant a été adressé à la presse le dimanche 10 mai 2009 en fin de matinée.
Ce cas a permis de constater la réactivité du dispositif de prise en charge des cas suspect, et des différentes cellules mobilisées pour la gestion de la crise : la cellule de veille sanitaire, la cellule de suivi Etat-Pays et le Centre Opérations du Pays (C.O.P).
A l’heure actuelle, quatre nouveaux cas « suspects » sont pris en charge, en milieu isolé, au Centre Hospitalier de Mama’o, dans le cadre du dispositif de suivi des cas suspects.
Il s’agit de quatre lycéens, scolarisés au lycée Paul GAUGUIN, revenus le 09 mai 2009 d’un voyage d’étude à San Francisco, et présentant les premiers symptômes d’un syndrome grippal.
Les 17 autres membres du groupe de ce voyage d’étude (15 élèves et 2 adultes), le cercle familial et relationnel proche des cas « suspects », ainsi que les passagers ayant voyagé à proximité de ces cas « suspect » bénéficient également de mesures de précaution consistant en une mise en quarantaine volontaire à domicile de 7 jours, complétée par le traitement préventif Tamiflu.
Une réunion d’information spécifiquement destinée aux parents et aux élèves des classes de ces lycéens considérés comme cas « suspect", a été organisée le 12 mai 2009 à 17 heures 30. Elle a permis une information sur les mesures individuelles de précaution à mettre en place dans le cadre de la prise en charge de personnes ayant eu un contact rapproché avec un cas « suspect ».
Ces mesures exceptionnelles consistent, pour leur part, en une mise en quarantaine volontaire à domicile pour une période de 7 jours.
Une seconde réunion d’information générale destinée à l’ensemble des parents d’élèves du Lycée Paul GAUGUIN s’est tenue hier, en début de soirée. Elle portait sur les mesures de précaution et d’hygiène à tenir dans le cadre de la prévention d’une contamination potentielle par la grippe A (H1N1).
Les résultats définitifs des analyses par un laboratoire certifié de Paris seront connus dès demain.