Nos élus de l'Assemblée de la Polynésie française ont examiné un projet de Loi du Pays portant mesures d'application dans la fonction publique, des dispositions de l'article 18 de notre statut
Intervention de Monsieur Temauri FOSTER
(Séance du 18 mai 2009)
Rapport N°28-2009 sur le Projet de Loi du pays portant mesures d’application dans la fonction publique de la Polynésie française, des dispositions de l’article 18 du statut
Monsieur le Président de l’Assemblée de la Polynésie française,
Monsieur le Président du gouvernement de la Polynésie française,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs les Représentants,
Chers Journalistes, chers Internautes,
Nous sommes ici à l’aboutissement d’un long combat que nos pères, de tout bord politique, ont mené à bout de bras.
Dès le début de notre participation à la vie politique, les Polynésiens ont revendiqué ce droit parmi d’autres, incompatibles avec la culture juridique de la République mais conformes à leur « vision maohi du monde ». L'État, après une période de refus total, a dû composer, céder compétence après compétence, pour se maintenir sur ce territoire au nom de l'impératif nucléaire.
Mais aujourd'hui, alors que cet impératif n'est plus, l'État accepte d'aller beaucoup plus loin en révisant la Constitution afin d'instaurer, notamment, un pouvoir législatif local et une discrimination positive, dispositions jusque-là contraires à la culture politique républicaine. Si les revendications de nos pères ont semblé constantes, l'évolution de l'État a répondu d'une part à la situation polynésienne et d'autre part à une maturation de sa propre culture politique.
Nous avons obtenu le principe de l'application juridique de « l'océanisation des cadres » après un demi-siècle de tentatives infructueuses. C'est en effet un élément invariable dans l'histoire de notre territoire. En 1946, le rapporteur Millaud a présenté un amendement, non retenu, au projet d'arrêté portant création et organisation d'un cadre local des affaires administratives qui précise : « Être originaire du pays ou appartenir à une famille ayant résidé depuis plus de cinq ans dans la colonie ».
A la fin de la seconde guerre mondiale, nos volontaires du bataillon du Pacifique sont déçus de trouver les postes dans l'administration qu'ils convoitaient aux mains de métropolitains. Historiquement donc, les revendications ont d’abord porté sur les emplois du secteur public, avant ceux du secteur privé.
Le 22 juin 1947, une foule déterminée, menée par certains de ces volontaires partis en France pour défendre la patrie, et Pouvanaa à Oopa, refusent de laisser des fonctionnaires métropolitains débarquer sur les quais de Papeete.
Le RDPT, de Pouvanaa, annonce dès sa création le 17 novembre 1949, que l'une de ses priorités, outre le social, est l'océanisation des cadres, bien que cette expression ait plus convenu aux cadres du secteur privé.
Plusieurs délibérations de notre assemblée territoriale ont été adoptées faisant obligation de résidence de cinq, dix et même quinze ans sur le territoire. La délibération du 29 janvier 1991 portant statut général de la fonction publique du territoire par exemple, avait imposé une résidence minimale de cinq années consécutives en Polynésie française pour tout candidat à un poste de fonctionnaire territorial. Cette disposition sera annulée par le tribunal administratif de Papeete.
Puis, avec la réforme constitutionnelle de 2003 sur laquelle je reviendrai plus tard, les collectivités ultramarines, dont la Polynésie française, ont bénéficié d'une protection en matière d'emploi local, aussi bien dans la fonction et les services publics que dans le secteur privé. C’est en application de cette révision constitutionnelle qu’est pris l’article 18 de la loi organique du 27 février 2004, portant statut de la Polynésie française.
Et c’est en application de cet article 18 du statut, lui-même appliquant l’article 74 de la constitution, que nous examinons la présente loi du pays. Ce projet présente beaucoup de similitudes avec le projet de loi qui suit, tout en comportant de grandes différences, sur lesquelles je reviendrai plus tard, ceux-ci tenant à la différence de régime existant dans le recrutement tant du public que du privé.
Je souhaite profiter de cette occasion qui m’est offerte pour revenir quelque peu sur les moments forts qui ont fait notre fonction publique en Polynésie.
Les années CEP et post-CEP, marquées par une période de prospérité économique, ont vu l’émergence d’une classe moyenne, dont les enfants élevés dans la perspective de poursuivre des études supérieures, ont contribué à gonfler le marché de l’encadrement. Ce marché s’est toutefois, dans un premier temps, tourné vers le secteur public, principalement vers l’enseignement et la fonction publique territoriale.
Entre autres étapes marquantes, a été l’entrée en vigueur, en juillet 1996, du statut de la fonction publique territoriale, qui a subordonné l’admission dans l’administration au passage du concours de niveau égal à ceux de Métropole. La constitution de notre toute nouvelle fonction publique prévoyait l’intégration volontaire des 5 600 agents ANFA, sur demande des intéressés.
Cependant, sa mise en place a engendré quelques avatars tels qu’un personnel n’ayant de cadre que le « statut » et non la compétence, ou grille de rémunération et déroulement de carrière moins intéressants.
Il semblerait désormais que la fonction publique ne fasse plus autant recette, du moins pour nos jeunes ayant effectué des études poussées. On assisterait selon certains, à l’arrivée d’une jeune génération de cadres qui, profitant du vieillissement d’un personnel d’encadrement constitué auparavant d’expatriés, préfère se tourner vers le secteur privé, attirée par des perspectives d’évolution de carrière et de rémunération plus rapides.
Or ce sont d’abord de cadres dont notre administration a besoin.
En ce qui concerne cet autre pan du secteur public à avoir prioritairement attiré les polynésiens, en l’occurrence, l’enseignement primaire pour être instituteur, il fallait jusqu’à présent passer par l’école normale. On y entrait muni du bac et/ou sur concours interne ou externe. Les élèves instituteurs suivaient ensuite une formation de deux ou trois ans et étaient considérés comme fonctionnaires stagiaires, donc rémunérés à condition de résider depuis cinq ans sur le territoire et de s’engager à y servir pendant dix ans. Rien d’étonnant dans un tel contexte, que la formule ait rencontré un tel succès. Il n’y a pas eu besoin d’attendre la loi du pays pour ça. Ils étaient 700 il y a 10 ans à se bousculer à l’entrée, pour une quarantaine d’élus.
Mais l’évolution est en cours : l’école normale de Tahiti devrait fermer ses portes définitivement. D’ores et déjà, l’antenne de l’IUFM du Pacifique a pris le relais, afin de former les futurs enseignants du premier degré qui seront mieux armés et plus qualifiés puisqu’ils seront alors des catégories A.
Cette situation n’est pas la même que dans le secondaire, où la majorité des postes demeurent occupés par des expatriés temporaires. Malgré l’augmentation de l’effectif des licenciés à l’université de la Polynésie française, les étudiants sont encore trop peu nombreux à se lancer dans cette voie. Parmi les explications, il faut dire que pour être professeur, il convient de passer le CAPES, concours pour lequel les candidats doivent passer les épreuves orales en métropole, ce qui constitue un frein indéniable pour les étudiants.
L’océanisation du corps professoral progresse donc, mais très lentement. L’enseignement des langues, et en particulier de l’anglais et du reo ma’ohi est une des filières les plus prisées par nos jeunes, ceci notamment parce que la formation peut être suivie en intégralité sur le Fenua.
Mais il serait souhaitable, que dans un avenir proche, notre Pays soit en mesure d’apporter des moyens supplémentaires à l’ouverture de nouvelles filières dans d’autres domaines, qui ne connaissent pas la saturation.
Je vous remercie de m’avoir écoutée.