Les élus TO TATOU AIA s'oppose à la création de la commission d'enquête chargée d'examiner la gestion de la compagnie AIR TAHITI NUI
Intervention de Madame Thilda FULLER
Rapport N°39-2009 relatif à une proposition de délibération créant une commission d’enquête chargée d’examiner la gestion de la compagnie AIR TAHITI NUI
Monsieur le Président de l’Assemblée de la Polynésie française,
Monsieur le Président de la Polynésie française,
Mesdames et Messieurs les ministres,
Mesdames et Messieurs les représentants à l’Assemblée de la Polynésie française, chers collègues,
Permettez-moi de démarrer mon intervention par une citation :
« C’est dans un contexte de fort développement international qu’Air Tahiti Nui décide d’acquérir en 2002, deux nouveaux Airbus A340-300. (…). À l’origine, les deux appareils avaient été commandés auprès d’Airbus par Swissair pour sa filiale charter AOM. Les Suisses versent une avance de 27 millions de dollars par appareil. Hélas, en juin 2001, la compagnie helvète dépose son bilan, tout comme ses deux filiales AOM et Air liberté.
Que vont devenir les deux appareils ? Et bien, les Airbus vont faire l’objet d’une âpre bagarre entre Airbus, (…), et le repreneur d’AOM et d’Air Lib, Jean-Charles Corbet. Or, contre toute attente, c’est la compagnie Air Tahiti Nui, (…), qui va récupérer les fameux avions. Disons que l’appui de Chirac, réélu en 2002, n’y est pas pour rien. »
Ces éléments que je vous livre aujourd’hui, mes chers collègues, sont tirés d’un site Internet, « Bakchich Info », réputé pour ses recherches d’arrière-cour et sa volonté de faire éclater au grand jour, tel le « Canard Enchaîné », toutes les affaires de collusion, conflits d’intérêts, voire de corruption.
Ces éléments me semblent fort intéressants et méritaient une enquête approfondie, ne pensez-vous pas ?
Que nous adhérions, ou pas, à ces propos, là n’est pas l’objectif. Par cette citation, je tenais surtout à vous faire comprendre qu’il est facile de dénoncer, de montrer du doigt, de sortir « les cadavres des placards ».
Est-ce que toutes ces allégations devraient faire l’objet d’une commission d’enquête ? Je n’en suis pas sûr. Sans quoi nous tomberions aisément dans ce que notre ministre de la santé à récemment qualifié de « commissionite aiguë » !
Il en va de même lorsque l’on s’intéresse à la genèse de cette commission d’enquête sur ATN et à l’opportunité d’en arriver là.
Ce n’est en effet que sur la foi de trois pilotes de la compagnie, dont nous ignorons toujours l’identité, puisque les courriers ont été diffusés anonymement, qui ont dénoncé, de façon plus ou moins précise, des problématiques de management au sein de notre compagnie aérienne. Problèmes de management d’ordre général qui se sont transformés, au fil des déclarations lors de nos débats en séance, en problèmes de sécurité. L’œil des caméras pousse parfois à des discours grossissants et déformés !
Compte tenu du contexte actuel et de la situation financière de notre compagnie, il était vraiment fort maladroit d’amener ainsi un sujet aussi délicat ! Pourquoi brandir ainsi de tels propos au lieu de tenter de résoudre le problème calmement, de façon constructive ? Pourquoi risquer de ternir la réputation de notre seule compagnie aérienne, alors même qu’elle avait déjà, il y a quelques mois, fait l’objet d’accusations graves quant au comportement de son personnel qui avait l’entaché jusqu’au-delà de nos frontières ?
Il est certain que des considérations politiques, pour ne pas dire politiciennes, sont venues prévaloir sur le problème de fond, pour en arriver à de telles manœuvres.
Je m’interroge toujours, également, sur l’attitude de ces pilotes qui ont préféré, au lieu d’informer les autorités compétentes, porter le débat sur la scène politique… En tant que cadres responsables au sein de leur entreprise, cette entreprise qui leur garantit, tant bien que mal, de bons salaires mensuels, n’auraient-ils pas dû entreprendre des démarches constructives auprès des services adéquats plutôt que d’entamer des polémiques qui risquent plus de mettre à mal cette compagnie ? La logique de la démarche m’échappe.
A moins que d’autres intérêts, plus personnels que celui de la compagnie, de notre économie et des 800 emplois actuellement menacés, ne soient entrés en ligne de compte !
Tous ces éléments ont fortement « plombé », passez moi l’expression, la proposition de commission d’enquête, c’est une certitude. Mais ce n’est pas, contrairement à ce qui a pu être dit en commission, de simples problématiques de personnes qui nous poussent à la rejeter. En revanche, il est fort aisé de considérer que des considérations de personnes sont à l’origine de tout ce ram-dam politique qui a précédé la proposition de commission d’enquête !
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Mais au-delà de ça, ce qui motive la position du groupe To Tatou Ai’a, c’est l’utilité, l’opportunité même d’une telle commission d’enquête.
Nous voulons parler de gestion et de management ?
Nous avons pour cela pris le temps de débattre, au sein de notre assemblée, du rapport de la Chambre Territoriale des Comptes fin avril. Ce rapport, fort complet, nous a permis de disposer d’une bonne photographie de notre compagnie.
Alors que dire d’autre ? Pourquoi vouloir passer après ce gros travail déjà réalisé ? Que dirons-nous de plus ?
Si nous souhaitons approfondir le sujet, alors suggérons plutôt au ministre en charge des transports aériens internationaux d’engager un audit de la compagnie pour en tirer des propositions concrètes. Voici une proposition constructive !
Notre rôle, en tant que représentant, est de s’assurer que les budgets que nous votons, que les crédits que nous débloquons, que les subventions que nous autorisons, sont utilisés conformément à l’intérêt général.
Nous n’avons pas à nous placer en juge, en cabinet d’expert et encore moins en procureur. Cela n’apportera rien à l’intérêt général. Pire, cela risque même d’avoir des conséquences importantes sur l’un de nos outils de développement incontournable.
Nous voulons alors peut-être parler de stratégie dans cette commission ? Là encore, la CTC a clairement défini les responsabilités. Nos responsabilités, nos erreurs, nos errements politiques. Est-il encore utile d’enquêter sur la responsabilité politique que plus personne aujourd’hui ne dément ?
Les responsabilités sont établies, c’est un fait. Il reste maintenant aux responsables de tirer les conséquences de leurs erreurs, de leurs mauvais choix, de leur ambition dévorante qui ont poussé à la création de lignes qui étaient garanties déficitaires par tous les experts !
Voilà ce qu’aujourd’hui la population attend de nous. Notre population est lasse de ces commissions incessantes qui n’aboutissent à rien. Combien de rapports de commissions d’enquête meublent nos placards ? Fort heureusement, le travail de notre actuel président de l’assemblée permettra, enfin, de mettre à jour ces rapports.
La population attend que les leaders politiques assument publiquement leurs erreurs.
Et ce n’est pas dans le secret de la commission que nous y arriverons.
Alors, de quoi allons-nous parler ? De sécurité ? Qui parmi nous aurait la prétention de préjuger de la sécurité de notre compagnie alors même que celle-ci dispose de toutes les autorisations de vols fournies par l’Aviation civile, qui est tout, sauf réputée pour son laxisme ! Qui parmi nous peut se placer en expert aéronautique lorsque l’on sait que ce domaine relève de la haute ingénierie ?
Non, véritablement, mes chers collègues, tout ceci ne nous paraît qu’une simple perte de temps, une simple volonté de trouver d’autres coupables, de faire porter à d’autres le fardeau de nos échecs et mauvais choix politiques ; voire de régler des comptes personnels...
Pour apporter, finalement, des éléments constructifs à cette volonté de faire toute la lumière sur notre compagnie, je vais vous livrer mon ébauche de ce que pourraient être les conclusions de cette commission d’enquête. Nous gagnerons ainsi beaucoup de temps.
A la seule lecture des résultats synthétiques de la compagnie, et à l’analyse du rapport de la CTC, je peux vous dire que :
- Entre 2004 et 2006, la part du carburant dans le budget de la compagnie a augmenté de près de 20% soit une charge nouvelle de presque 6 milliards de francs,
- Le nombre de touristes ces dernières années ne cesse de chuter, ce qui prive notre compagnie d’une grosse part de sa clientèle. Souvenons-nous qu’ATN avait été créé pour venir en soutien des politiques de développement du tourisme et donc d’une augmentation du nombre de passagers. Nous attendons encore ces politiques volontaristes !
- L’ouverture des lignes New-York et Sydney ont accru le nombre d’heures de vol sans faire augmenter le taux de remplissage.
Ces quelques éléments me semblent fondamentaux dans la compréhension de notre compagnie.
Doit-on attendre six mois pour arriver à ces conclusions ? Doit-on doter une commission d’enquête d’un budget de plusieurs millions, en cette période économiquement difficile, pour convenir que le contexte et l’absence de décisions politiques ont plombé notre compagnie ?
Très franchement, je crois qu’il est temps d’avancer. Il est temps de faire appel à des experts pour analyser ce qui doit l’être.
Quant à nous, attachons-nous à donner les moyens qu’il convient pour que notre société, notre économie, notre pays, connaissent enfin l’essor, le décollage économique tant attendu.
Notre société est jeune, elle n’a pas l’âge pour regarder en permanence derrière elle. Sachons adopter la même démarche.
En conséquence, mes chers collègues, le groupe To Tatou Ai’a reste résolument opposé à cette proposition de délibération.
Je vous remercie de votre attention.