Redéfinir notre organisation des transports en privilégiant le collectif
Intervention de Monsieur Tuti PEU
(Séance du 30 juin 2009)
Rapport N°2-2008 de la commission d’enquête chargée de recueillir tous les éléments d’information sur les conditions de création de la société mixte locale (SEML) Maeva Nui et sur le projet d’acquisition, par cette société, d’une flotte de véhicules de transport en commun nécessaire aux activités de la société privée MAEVA TRANSPORTS
Monsieur le Président de l’Assemblée de la Polynésie française,
Monsieur le Président de la Polynésie française,
Mesdames et Messieurs les ministres,
Mesdames et Messieurs les représentants à l’Assemblée de la Polynésie française, chers collègues,
Le rapport de la commission d’enquête, chargée de recueillir tous éléments d’information sur les conditions de création de la société d’économie mixte locale ( SEML ) MAEVA NUI et sur le projet d’acquisition par cette société d’une flotte de véhicules de transport en commun, nécessaire aux activités de la société privée MAEVA TRANSPORT, dont nous avons à débattre aujourd’hui, conclu enfin un long processus.
En effet, comme l’a rappelé notre rapporteur, c’est le 27 juin 2007 que deux représentants, au nom de la commission des affaires économiques, du tourisme, de l’agriculture, de la mer et des transports, proposent la création de ladite commission, en regard des turbulences causées par les dysfonctionnements à répétition constatés dans le fonctionnement de la société de transport Maeva Nui et par le recours, pour le moins complexe et opaque, à une société d’économie mixte locale, pour pourvoir au remplacement du parc roulant de ladite société.
Une délibération de notre assemblée, créait cette commission le 4 juillet 2007, en application des dispositions de l’article 68 de notre règlement intérieur et fixait ses missions, ses champs d’investigation et ses moyens.
En dépit d’un calendrier initial, très largement bouleversé par un changement de gouvernement et les travaux que notre assemblée dut conduire en urgence sur le projet de réforme de la loi statutaire de 2004, ses conclusions furent déposées dès le début de l’année 2008, le 11 janvier très précisément, et c’est donc avec prés de 18 mois de retard que notre assemblée en est enfin saisie.
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Je n’épiloguerai pas sur les causes de ce retard, liées bien évidemment aux derniers soubresauts de l’instabilité politique chronique que nous vivions depuis 2004 et dont les jeux stériles ont perduré jusqu’à ces derniers mois, mais aussi, il faut bien le dire, aux remous suscités par cette affaire et la complexité du système mis en place, dont beaucoup percevaient les faiblesses, pour ne pas dire les failles, voire plus, derrière son apparente sophistication.
S’agissant du rapport de la commission d’enquête, après quelques rappels et précisions méthodologiques, il s’attache d’abord à préciser le contexte général dans lequel la création de cette commission est intervenue, contexte lié aux difficultés endémiques croissantes de la circulation sur Tahiti et au constat de l’échec d’une organisation des transports collectifs urbains et scolaires mise en place depuis quelques années.
En effet, en 2001, après appel à candidature, la puissance publique avait confié la gestion de ces services publics de transports, à trois sociétés :
- « Maeva transports », pour la zone urbaine,
- « Nouveaux transporteurs de la côte est », pour la zone est
- « Transporteurs collectifs pour la côte ouest », pour la zone ouest.
Force est de constater que la société Maeva transports n’a jamais réussi à mettre en œuvre la mission qui lui avait été confiée, comprenant notamment le remplacement de son parc roulant, dans les conditions définies par la délégation de service public qui lui avait été concédée.
Pour résumer, les transports urbains ont continué à être assurés par les exploitants privés regroupés au sein de la société, au travers de divers groupements d’intérêts économiques, dans des conditions analogues à celles qui avaient conduit à la création du service public de transport collectif.
Les autorités publiques, ne pouvant, ou ne voulant, résilier cette délégation, ont été conduites, sous la pression des transporteurs propriétaires, à la mise en place d’une solution palliative, sous la forme de la création d’une société d’économie mixte locale intitulée Maeva Nui, dont l’objectif était d’assumer les obligations non remplies par la société Maeva Transports en matière de remplacement de son parc roulant et de gestion du réseau.
Ce sont les avatars de cette démarche et sa sécurité juridique, pour le moins aléatoire, qui ont conduit à la création de cette commission d’enquête.
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Le rapport détaille minutieusement la chronologie des faits, de la signature de la convention avec la société Maeva Transports (section II du chapitre II), à la création de la société d’économie mixte locale, Maeva Nui et à ses missions (chapitre IV-sections I et suivantes), en passant par une longue analyse de la dégradation de la situation de la société Maeva Transports (chapitre III - sections I-II et III) et le constat d’une absence de contrôle par les autorités compétentes (chapitre III - section IV).
Le chapitre V récapitule les constats, conclusions et préconisations de la commission, relevant notamment :
- Le constat des défaillances de la société Maeva Transports et sa situation financière catastrophique, justifiant l’ouverture d’une procédure d’alerte à son encontre,
- La passivité des autorités publiques, que ce soit les ministres des transports successifs ou les services de l’Etat, inactifs devant les blocages de la ville,
- La pertinence de la création de la SEML Maeva Nui, sous réserve de la dénonciation préalable de la concession de service public dont bénéficiait la société Maeva Transports,
- Le caractère artificiel du montage prévu, transférant au Pays les charges incombant à l’opérateur privé,
- Le caractère plus qu’ hasardeux du schéma de défiscalisation,
- Et enfin, pour conclure, la stigmatisation de l’utilisation des deniers publics pour pallier aux carences d’entrepreneurs privés, titulaires d’une délégation de service public.
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En notre qualité d’élus, soucieux de l’intérêt public, nous ne pouvons que souscrire à ces constats.
Tout en reconnaissant la qualité du travail effectué par nos collègues, membres de la commission, permettez-moi cependant de vous livrer quelques réflexions sur les limites des champs d’investigations que nous ouvre cette procédure.
Quelques soient le sérieux et l’engagement de ses membres et, nonobstant le fait qu’ils soient tenus à la lecture la plus objective des faits qu’ils ont à connaitre et à estimer, l’approche d’une commission d’enquête est plus sensible au risque d’altération par des considérants purement politiques.
De plus, ses membres ne disposent pas des moyens d’investigation et d’autorité, apanage des juridictions de l’État. Certains faits peuvent ainsi leur échapper. Dans le cas d’espèce, le rapport de la chambre territoriale des comptes relève un élément dont la commission d’enquête n’avait pas eu connaissance.
Pour autant, nous ne devons pas nous stigmatiser de ces limites et utiliser à bon escient ce moyen d’exercer notre mandat de contrôle que nous confère notre statut d’élus.
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Le rapport de la chambre territoriale des comptes apporte l’éclairage juridique et technique complémentaire, nécessaire à la maitrise de ce dossier.
Il souligne en effet, les problèmes relevés et les risques juridiques inhérents.
Son approche du processus est différente. D’une lecture factuelle et chronologique, nous passons à une analyse spécifique du problème au travers des conditions de la création de la SEML, du processus de commande des bus en Chine, des incohérences et incertitudes du montage juridique et financier mettant en danger l’avenir de la SEML.
Il insiste enfin sur les risques encourus par notre collectivité, en regard des différents contentieux en cours, dont les conséquences sont analysées.
Les recommandations sont à l’image de l’analyse, moins « politiques » mais plus juridiques, au travers d’une approche mesurant les seuls effets du droit sur les décisions prises ou à prendre.
C’est ainsi qu’il est proposé la nécessaire recapitalisation de la SEML Maeva Nui, dans l’hypothèse de son maintien.
Pour autant, la dimension politique n’est pas absente. C’est ainsi que dans le rapport connexe de la CTC, traitant de la gestion des transports publics de 1998 à 2007, il est préconisé une vision globale et intercommunale de ce problème, dans le droit fil des dispositions de la loi organique.
Pour conclure, notre groupe fidèle à ses convictions et à volonté d’ouverture et de dialogue, prend acte des recommandations de la commission en ce qu’elles soulèvent un certain nombre de considérants et principes incontournables.
Complétées par les préconisations de la chambre territoriale des comptes, les conclusions de rapport nous donnent des axes de travail permettant d’approfondir la faisabilité des différentes hypothèses analysées. Nous devrons prendre nos responsabilités et faire les choix qui s’imposent quant à l’avenir de la SEML Maeva Nui.
S’agissant du problème récurrent des transports, il se pose avec encore plus d’acuité. En effet, notre volonté d’inscrire notre Pays et notre avenir dans une perspective de développement durable, nous impose d’opérer des choix drastiques en matière de maitrise de nos consommations énergétiques.
Nos devrons très rapidement redéfinir notre organisation des transports, en privilégiant le collectif. Les Etats généraux de la Polynésie doivent être l’occasion de relancer ce débat et de remobiliser nos concitoyens sur ce problème, qui conditionne notre avenir et notre environnement.