La réforme du régime des subventions et aides
Intervention de M. At Tching TCHOUN YOU THUNG HEE
(Séance du 2 juillet 2009)
Rapport N°47-2009 sur le Projet de Loi du pays définissant les conditions de critères et d’attribution des aides financières et d’octroi des garanties d’emprunt aux personnes morales autres que les communes
Monsieur le président de l’assemblée de la Polynésie française,
Monsieur le sénateur
Monsieur le Président de la Polynésie française, Monsieur le Vice-président
Mesdames et messieurs les ministres,
Mesdames et messieurs les représentants à l’assemblée de la Polynésie française, chers collègues,
Mesdames et messieurs les journalistes,
A tous ceux qui nous regarde via Internet
Cher public, chers amis,
Le texte qui nous est présenté aujourd’hui nous propose, par application des nouvelles dispositions du statut issues de la Loi Estrosi, d’adopter et par là même de simplifier les procédures en matière d’aide financière et d’octroi de garanties d’emprunt.
Car elles étaient en effet régies par une abondance de textes comme le décrivait l’ancien article 38 du projet de loi, tantôt supprimé en commission. Cette abondance pouvait d’ailleurs être perçue comme une source de difficulté d’application des critères de fond et de forme d’octroi des aides. Mais elle témoigne également, du souci de notre collectivité, au fur et à mesure qu’elle gagnait en compétences, d’intervenir dans et en faveur de l’ensemble de notre économie.
Cette volonté affichée du projet de loi du pays, de fédérer toutes les procédures en la matière dans un seul corps de règles à caractère général, est tout à fait louable en ce sens qu’elle apporte un gage de lisibilité de la règlementation. Il participe ainsi à cette mouvance juridique tendant à une plus grande accessibilité de la population au droit.
Toutefois, la simplification du droit ne doit pas l’emporter sur la compréhension du droit. En effet, une vulgarisation à outrance aurait pour risque de faire oublier la spécificité de chaque mode d’intervention, spécificité d’autant plus justifiée que les enjeux économiques et sociaux sont différents d’un secteur économique à un autre, d’une entreprise à une autre.
Alors pourquoi nous demande-t-on à nous, élus de l’assemblée, de prendre une règlementation en matière de fixation des conditions d’accès aux aides financières alors qu’il en existe déjà sous forme d’arrêtés du conseil des ministres ?
Il y a lieu de penser, comme l’a souligné le haut-conseil dans son avis, que c’est moins pour combler une lacune que pour solenniser un transfert de compétences au profit de l’assemblée que la loi Estrosi a prescrit l’édiction d’un texte en la matière.
Au-delà de la simple contrainte d’une nouvelle forme et du transfert de compétence, je vois dans la volonté du législateur, de la même manière qu’il a crée la commission de contrôle budgétaire et financier, de conférer ce pouvoir à la sagesse de l’assemblée, c'est-à-dire aux élus du peuple, jugés sans doute plus apte à connaître de la transparence et de la rigueur dans les procédures.
C’est en tout cas mon interprétation de l’article 144-III du statut, qui nous a imposé une obligation, plus de résultats que de moyens, dans la fixation de normes d’octroi d’aides publiques sincères et rationnelles.
Il reste maintenant à savoir si ce projet de loi du pays répond à cette finalité. D’emblée, la tâche semble difficile, ceci au regard de deux séries d’observations que je tiens, chers collègues, à vous soumettre.
Afin de garantir une plus grande transparence dans l’attribution des aides financières, la loi Estrosi avait instauré la commission de contrôle budgétaire et financier, véritable fenêtre de l’assemblée sur la gestion par le gouvernement des deniers publics. Cette commission, une première dans tout le système institutionnel de la République, devait de part les articles 157-2 et suivants du statut, connaitre pour avis et ce, avant transmission au conseil des ministres, de l’ensemble des décisions à caractère budgétaire, y compris l’octroi d’aides aux communes, et des nominations au sein des établissements publics et SEM.
Pour avoir été membre de la toute première CCBF, présidée alors par Monsieur Jean-Christophe BOUISSOU, nous avons été confrontés à une grande difficulté : celle de la définition du rôle de cette commission. Plus précisément, il nous incombait, à nous les « membres fondateurs », de définir un cadre, des critères sur lesquels reposerait l’avis que l’on nous demandait de fournir. Le législateur nous avait-il donné tout pouvoir, au gré de l’opportunité, voire de nos sautes d’humeur, à faire passer tel ou tel dossier, ou devions-nous nous conforter à un corpus de règles, à la manière d’un CDE bis ou d’un service instructeur ?
La réponse n’était pas si simple dans l’une comme dans l’autre. En optant pour la première option, on pouvait aboutir à une situation dangereuse qui laisserait place à une subjectivité contraire à l’esprit de transparence qui a animé le législateur. En même temps, il nous apparaissait difficile de procéder à des vérifications, textes à l’appui, simplement formelles et, il faut le dire, sans saveur, puisque les dossiers nous étaient transmis sans toutes les pièces requises pour l’instruction.
Le projet de loi, sans répondre à cette problématique, vient pour certaines aides visées à l’article LP2, déroger à l’obligation de transmission à la CCBF. Bien qu’inspirée par le double souci d’éviter un encombrement de la commission et d’accélérer les procédures d’octroi des aides, le tempérament de son contrôle semble contestable, ne serait-ce que sur un plan formel, au regard de la loi statutaire. Je souhaiterais, Monsieur le ministre, que vous nous rassureriez sur ce point.
Ma seconde série d’observation porte sur cette référence à l’article LP31, au respect de la liberté du commerce et de l’industrie et du principe d’égalité des citoyens devant la loi, pour ce qui est de l’attribution de subventions d’équilibre aux personnes morales qui rencontreraient des difficultés financières.
Tout d’abord, tant qu’à faire de la surenchère, je rajouterai également le respect du principe de libre et égal concurrence, qui ne correspond pas tout à fait à la même philosophie de la liberté du commerce et de l’industrie.
La liberté du commerce et de l’industrie a été consacrée dès la Révolution française, par un décret célèbre, le décret d’Allarde de 1791, qui dispose que, je cite, « Il sera libre à toute personne de faire tel négoce, ou d’exercer telle profession, art ou métier qu’elle trouvera bon… »
Par ses dispositions, le décret a instauré un principe d’interdiction d’ingérence des pouvoirs publics dans l’économie, une véritable incapacité commerciale des collectivités publiques.
Cette disposition s’est ensuite peu à peu assouplie, d’abord pour faire face à la carence de l’initiative privée, quand par exemple, les besoins de base de la population ne sont plus assurées. Progressivement, on va accepter que la collectivité intervienne dans des domaines connexes, prenne en charge certains pans de l’économie et pour finir, l’interventionnisme économique, par l’attribution d’aides et de subventions diverses comme dans notre cas, devient un moteur de la croissance.
A côté de cela, le principe de libre concurrence qui ne répond pas aux mêmes objectifs que la liberté de commerce et d’industrie, se combine cependant à elle. La concurrence, élément déterminant de nos économies de marché et signe de sa bonne santé, ne doit jamais être faussée, par des prescriptions qui avantageraient, à situation financière égale, plus une entreprise qu’une autre.
Voilà donc Monsieur le ministre les trois points forts que je souhaitais aborder au travers de cette intervention. Je souhaiterais que vous nous donniez des réponses, pendant la discussion générale ou pendant la discussion articles à articles, des garanties, que ce texte apportera :
- D’abord, une meilleure lisibilité et une meilleure compréhension des dispositions en matière d’octroi des aides financières
- Puis, une meilleure transparence dans les procédures d’attribution
- Enfin, un respect des libertés économiques les plus élémentaires
Comme je le disais tantôt, ce texte devra concilier avec plusieurs antagonismes juridiques et économiques : transparence et rapidité des procédures, lisibilité et simplification du droit, soutien à l’économie et respect de la libre concurrence.
Au-delà de ces quelques observations, le principe de générosité doit désormais céder la place au principe d’équité. Chers collègues du gouvernement, à chaque fois que vous serez amené à vous prononcer sur un arrêté d’attribution d’une aide, d’une subvention à une association, ou d’une garantie d’emprunt à une entreprise, il vous faudra désormais vous interroger, sur la légitimité de votre intervention. La morale doit guider vos décisions.
Il demeure que, eu égard aux réponses que Monsieur le ministre vous nous donnerez, le groupe To Tatou Ai'a apportera son soutien au texte proposé.