Le rapport de la commission d'enquête sur les prix, présenté à l'Assemblée de la Polynésie française

Publié le par TEMOTEM


Intervention de Mme Rosine BRODIEN

(Séance du 7 juillet 2009)

 

 

Rapport N°11-2009 présenté au nom de la commission d’enquête chargée de proposer des mesures d’encadrement des marges et des prix des produits commercialisés et des mesures de contrôle et d e répression en cas d’infraction

 

Monsieur le Président de l’Assemblée de la Polynésie française,

Monsieur le Président de la Polynésie française,

Mesdames et Messieurs les ministres,

Mesdames et Messieurs les représentants à l’Assemblée de la Polynésie française, chers collègues,

 

Depuis le « Taui » en mai 2004, mais également lors des derniers scrutins de 2008, notre population a clairement montré son souhait d’avoir des réponses à ses interrogations.

Depuis quelques années, nos concitoyens ont décidé de ne plus accepter les décisions sans être informés. Ils ont souhaité obtenir des comptes sur la gestion de notre pays, de notre avenir.

 

De nombreuses théories quant aux causes de cet effritement de confiance ont été avancées. Tout d’abord, et les récentes affaires qui se sont faites jour l’ont malheureusement bien démontré, de nombreux comportements, contraires à l'éthique, de la part d'un petit nombre de personnes en position de confiance légitimes ont été révélés ; des scandales importants, faisant l'objet d'une forte couverture médiatique et d’enquêtes publiques.

 

Ces nombreuses et répétitives situations n’ont qu’accru le fossé entre nous, la classe politique, et notre population. Plus encore, ces « affaires » n’ont fait qu’apporter à nos concitoyens de bonnes raisons de penser que le système est biaisé, que beaucoup de règles ne sont pas respectées, que certains sont avantagés au détriment de beaucoup.

 

Bref, tout ceci a fait penser à notre population que nous ne défendions plus l’intérêt général, que nous privilégiions des intérêts particuliers, que nous étions dans un « laisser-faire » ayant conduit à nombre d’abus.

 

Et tout ceci n’a fait qu’engendrer un autre fossé : celui qui sépare ceux qui profitent des fruits de la croissance, parfois de façon inacceptable, et ceux qui sont laissés sur le bas-côté, le long de la route du développement…

 

En plus de cela, pourtant déjà bien assez grave, au fil des ans, et en l’absence de véritable politique de développement, les possibilités de trouver un emploi se sont passablement restreintes. Encore plus pour les jeunes, qui arrivent par centaine chaque année sur le marché du travail et qui ne trouvent que peu de perspectives d’avenir.

 

Une conséquence directe sur le pouvoir d'achat des ménages ressentie fortement par la population.

 

Une difficulté de plus à assumer par notre population quant on sait que ce pouvoir d’achat est déjà fortement affecté par nos difficultés structurelles : l’éloignement de notre pays, engendrant un fret élevé ; et un marché de consommation réduit empêchant les économies d’échelle. Autant d’éléments difficilement modifiables que ne viennent pas faciliter certaines pratiques dénoncées dans le présent rapport.

 

Ainsi, curieusement des salaires relativement élevés pour une certaine catégorie de la population induisent une tradition bien connue  à savoir « la pratique des prix élevées ».

 

Néanmoins, il convenait, enfin, de se sortir de ce cliché de la vie chère en Polynésie française et de tenter d’y remédier en s'interrogeant sur les causes et les moyens à mettre en place. Ce fut d’ailleurs l’objectif de l’ancien gouvernement, présidé par Gaston TONG SANG, qui a tenté de réduire cette « vie chère »  avec la diminution du prix de l’essence, le relèvement des minimas sociaux, la baisse de la TVA ou encore la création de l’observatoire des prix.

 

En effet, la création de l’observatoire des prix, qui a très justement porté le débat sur la question, plus fondamentale, de la formation et de l'évolution des prix. Dans cette guerre lancée contre la vie chère, il fallait aller plus loin.  Remonter ainsi à la source des problèmes et en découvrir les tenants et les aboutissants afin d’aboutir à des propositions de changement profond et concret.

 

Cette analyse ne pouvait être menée sans prendre en considération l'ensemble des paramètres polynésiens, sans quoi nous occulterions bien des éléments de compréhension de notre situation actuelle et nous ne pourrions répondre efficacement aux attentes de notre population.

 

Dès lors, les causes profondes de la dérive ne seraient jamais traitées et pourraient même se trouver renforcées.

 

La situation des ménages, notamment les plus modestes, pris en otage par cette situation d’une vie trop chère, ne doit pas se terminer en simple procès d’intention.  

 

Critiquer ce qui est critiquable est une chose, le dire à haute voix est une étape de plus que nous avons franchie, tous ensemble aujourd’hui. Il nous reste, à présent, à faire des propositions constructives et à les faire appliquer.

 

Cependant, faute d'une analyse technique et objective approfondie, planerait alors la menace d'un éventuel « coup politique », les tentations de récupération, les velléités de dénoncer sans proposer, de montrer du doigt sans chercher à comprendre.

 

C’est dans ce contexte difficile de crise économique, politique voire sociale profonde dans notre pays qu’est née cette commission d’enquête.

 

Commission dont nous étudions donc le rapport définitif aujourd’hui.

 

****

 

Le débat de fond dans ce rapport pose deux questions essentielles qui doivent être traitées de concert.

 

La première question pressée par les nombreuses critiques émises par les consommateurs, est celle des prix pratiqués sur les produits de grande consommation appelés PGC. Si des marges de l’ordre de 20% sont tout à fait tolérables, en fonction du produit, comment expliquer des marges de 1000% ? Un grand nombre de ces PGC n’ont pas de marges contrôlées. Ces marges commerciales libres sont un enjeu crucial pour garantir la profitabilité dans un contexte économique où les volumes n’augmentent pas de façon significative. Les fonctions financières ont un rôle prépondérant dans la maîtrise de cet enjeu afin de garantir la profitabilité de l’entreprise. Cependant lorsque ces marges varient de 17% à 1000%, il faut clairement faire des progrès de vérité des prix. Car même en libre échange cet écart est inacceptable.

 

Comment expliquer le laisser-faire de marges aussi élevées lorsqu’elles relèvent d’une rentabilité purement opportuniste?

 

Il ne s’agit pas ici de montrer du doigt l’ensemble des entreprises, l’ensemble des entrepreneurs dont la plus grande part cherche avant tout à offrir un réel service aux consommateurs, à prendre en compte les besoins du marché et apporter une réelle valeur ajoutée dans notre économie.

 

Les mettre tous « dans le même panier », si vous me passez l’expression, serait jeter l’opprobre sur ceux qui constituent le socle de notre développement. Ce serait se placer en inquisiteur idéologique et irrationnel, et ferait perdre la critique de toute sa substance.

 

Lorsque qu’il ne s’agit plus d’opportunité mais de profits démesurés dus à des effets d’aubaines et de manque de réglementation, il convient de mettre le doigt sur une petite minorité dont les comportements sont là inacceptables.

 

Et qui sont d’ailleurs dénoncés par les entreprises qui investissent, qui créent et qui croient au travail avant de croire à la spéculation.

 

Il convient de prévoir les mesures qui permettent d’encadrer ces comportements « déviants ». Sanctionner enfin des pratiques qui ont participées à l’inflation dans notre pays et qui ont participé à nos difficultés économiques structurelles

Rappelons que la performance de l'économie privée est le principal facteur permettant la création d’emplois et de revenus. Nous devons les soutenir.

 

Favoriser les créateurs, les investisseurs qui s’impliquent dans notre économie, c’est un devoir qu’a rappelé notre Président de la République, lors de son discours devant le Parlement réuni en Congrès à Versailles le 22 juin 2009.

 

La seconde question, à laquelle nous devons répondre, est celle du droit à la concurrence et des moyens de contrôle et de répression.

 

Depuis des années, cette question du droit à la concurrence est remontée, tel un serpent de mer, ponctuellement dans de vagues souhaits gouvernementaux. Mais elle n’a jamais pu aboutir.

 

Et pourtant, cette matière est de la première importance lorsqu’on essaie de bâtir une économie solide, basée sur la liberté d’entreprendre mais aussi sur le droit à la qualité, le droit pour les consommateurs à être protégé. Cette matière existe en France depuis 1986 et possède aujourd’hui une efficacité redoutable, renforcée qui plus est par l’intervention de l’Union Européenne.

 

La protection de nos entreprises locales est une nécessité, tant sur notre marché intérieur que vis-à-vis de l’extérieur. Il est pour le coup essentiel, voire vital, de trouver un accord avec les représentants du secteur privé à ce sujet, en tenant compte du paradoxe d’un droit de libre échange et la légitimité de nos créateurs d’emploi locaux de se protéger de la concurrence extérieure, et notamment en ce qui concerne certaines de leurs exigences en matière de protection fiscale ; essentiellement en ce qui concerne les industries de productions locales de matières importées ou polynésiennes.

 

En effet, pour ce problème en particulier, la taxe de développement locale ou encore TDL, qui touche 4% des produits importés et qui rapporte plus de 2 milliards par an en recettes fiscales, suscite pas mal de revendications de la part des importateurs. Cette taxe dite précaire devrait être réformée incessamment d’après notre Ministre de l’économie puisqu’elle a vocation à protéger la production locale mais elle s’applique, actuellement, à l’ensemble d’une nomenclature douanière et non à des produits spécifiquement désignés. Et du coup, cela grève, aveuglément, l’ensemble d’une importation de produits injustement surtaxés.

 

Pour autant, malgré ce constat fort problématique pour le pouvoir d’achat, les réformes sur le contingentement et certaines interdictions d’importations traînent alors même qu’elles mériteraient pourtant d’être étudiées. Le développement de notre économie à travers la croissance  du secteur privé n’est-il pas à terme notre objectif ?

 

C’est à croire qu’en Polynésie française, au lieu de nous insérer dans un courant de régulation, nous avons privilégié l’interventionnisme par voie de subvention ou de monopoles. Au lieu de favoriser l’initiative privée et de n’intervenir qu’en cas de carences des entreprises dans certains secteurs clés, nous avons joué le rôle d’opérateur économique. Ce qui a engendré des situations préjudiciables aux consommateurs : prix élevés, manque de choix et d’information…

 

Et nous avons également omis de mettre en place de vrais moyens de répression. Nous avons un service dépourvu de moyens qui pousse ceux qui profitent du système à continuer. Nous n’avons pas su montrer notre détermination à créer un environnement économique serein et cohérent.

 

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Pour toutes ces raisons, la commission d'enquête a cherché à éclairer les polynésien sur la formation des marges et des prix et l'évolution des prix à la consommation.

 

Un besoin de vérité et surtout de transparence. 

 

Les réponses présentées dans le rapport soulignent la réalité d'une politique de marges très disparates ainsi que des pistes de réflexion en solutions.  

 

Néanmoins, le rapport manque cruellement d’analyses poussées.

 

Par conséquent, il est essentiel, pour juger de la portée réelle des propositions d’encadrement de ce rapport, mais également à plus long terme pour assurer une régulation éclairée des marges des prix, de disposer d'une connaissance précise des données directes sur la concurrence.

 

De même que la pratique des marges arrière privant insidieusement les consommateurs de baisses des prix. Ces marges arrière qui ont fait l’objet d’une régulation très efficace en France, grâce à la Circulaire Dutreil de 2003, qui a démontré son efficacité.

 

Mais en Polynésie, jusqu'à présent, aucune solution satisfaisante et définitive visant à régler l’ensemble de ces problématiques n'a pu être fournie et mise en place.

 

Il est impératif de faire aboutir ces solutions. On aurait pu espérer de ce rapport qu’il engage d’ores et déjà les travaux. Mais il convient de faire remarquer que ce rapport ne constitue qu’un pan, mais un pan nécessaire, d’un chantier conséquent que nous devons avoir le courage de mettre en œuvre dans les meilleurs délais.

 

Nous ne pouvons plus nous permettre de laisser perdurer des attitudes préjudiciables à l’intérêt de la collectivité. Nous devons encourager les entrepreneurs et punir avec fermeté et détermination ceux qui profitent du système et de son laxisme. Notre population ne nous le permettra plus

 

Au-delà de ça, profitons de l’évolution des mentalités et des changements dans les comportements des consommateurs pour mettre en œuvre des outils modernes et englobant l’ensemble des problématiques qui se posent aujourd’hui : sociologiques, économiques, règlementaires et environnementales.

 

Soyons précurseurs dans la mise en place de la Responsabilité sociale des acteurs économiques.

 

A l'heure où le gouvernement engage des réformes en matière économique la nécessité de mener à bien ces propositions devient impérieuses.

 

En attendant le prolongement de cette étude nous voterons donc ce rapport.

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