Intervention relative au projet de délibération approuvant le compte administratif du budget général et constatant la concordance des résultats avec le compte de gestion.
(Séance du 21 juin 2012)
Mme Eléanor PARKER
Monsieur le Président de l’Assemblée de la Polynésie française,
Monsieur le sénateur de la Polynésie française,
Monsieur le président de la Polynésie française,
Mesdames et Messieurs les ministres,
Mesdames et Messieurs les représentants,
Mesdames, Messieurs,
L’essentiel de notre budget de fonctionnement, c'est-à-dire à peu près 83%, est alimenté par des recettes fiscales propres. C’est le sens même de notre autonomie.
Mais cette charge est inéquitablement supportée par notre population. Par ailleurs, ces ressources sont très irrégulières pour les comptes du Pays et par voie de conséquence pour l’ensemble de nos institutions, les communes en tête.
L’une des raisons tient dans le fait que les ressources du budget du Pays sont trop dépendantes des taxes indirectes sur la consommation des ménages. Or la consommation est une des données les plus volatiles de l’économie. Elle réagit très rapidement à la conjoncture économique et donc aux crises économiques. Par ailleurs, cette consommation est également très liée à la confiance qu’ont les citoyens dans la capacité des élus à endiguer la crise, à rétablir de la croissance et à donner un sens à notre développement.
A y regarder de plus près c’est l’enseignement que l’on peut retirer des différents comptes administratifs que nous avons tout gouvernement confondus eu à approuver ces dernières années.
En effet, le budget du pays n’est pas seulement fait pour financer des compétences. Il est aussi un levier économique puissant.
Or tous les ministres des finances et du budget confondus ont été ces dernières années sur la même voie tracée peu ou prou par le relevé d’information financière de l’année 2009.
Ce dernier intégrait déjà l’essentiel des orientations budgétaires exécutées ces dernières années. Même s’il y a eu ici et là des évènements exceptionnelles nous sommes en réalités depuis des années, sur la voie des orientations fixées par les technocrates du Pays et de l’Etat.
On ne va pas se plaindre du redressement de nos finances publiques et c’est vrai que la stabilité des dotations de fonctionnement de l’Etat joue en quelque sorte le rôle d’amortisseur même s’il est anormalement désisté du RSPF et a, il fallait s’y attendre, changé la donne concernant les modalités de son concours aux investissements du Pays.
Toutefois dans le même temps l’état de notre économie n’a cessé de se dégrader.
Donc le redressement des finances publiques n’est pas suffisant pour redonner confiance en l’avenir à toute une génération qui n’a connu que l’après CEP du gâchis, de la crise politique, économique et financière.
Les crises s’alimentent l’une l’autre et seule le retour à la confiance permettra l’enrayement de la spirale infernale.
Quelques indicateurs le démontrent qui ne proviennent pas du compte administratif mais du dernier rapport financier de l’institut d’émission d’outre-mer datant du 27 mars 2012.
Ce rapport nous indique que l’épargne à court terme disponible de nos ménages s’élève à la somme de 167 milliards de francs. Le problème c’est que cette somme à augmenter de près de 12.4 milliards depuis 2006. C’est donc autant d’argent qui ne circule plus dans notre économie, qui n’alimente plus le chiffre d’affaire de nos entreprises, qui diminue leurs importations et donc globalement le volume des taxes perçus par le Pays.
Du coté des entreprises c’est la même chose. Il y a près de 40 milliards d’argent disponible et cette somme à augmenter de 2 milliards sur la même période.
Et je n’ai pas compté ici les sommes logées dans les plans épargne logement dont le volume à augmenter de plus 3 milliards en 5 ans pour se situer aujourd’hui à 15 milliards.
Notre pays ressemble donc à un rentier qui aurait accumulé énormément de réserve mais qui n’aurait plus les moyens de son train de vie quotidien et qui néanmoins face à l’incertitude de l’avenir préfèrent mourir plutôt que d’utiliser les réserves dont il dispose.
Il faut que ça change.
Evidemment il y aura toujours une poire pour la soif comme on dit mais en logique économique ces placements de court terme doivent se limiter au strict minimum. Or ce n’est pas le cas et cela pénalise notre économie.
Si nous pouvions faire en sorte qu’au moins 50% de ces volumes étaient consommés ce serait un peu plus de 110 milliards de francs qui seraient injectés dans notre économie, qui redonnerait de l’activité aux entreprises, aux salariés, qui améliorerait la situation des comptes sociaux et ceux du pays et des communes. Elle est là la solution.
Ce que je veux dire c’est que ce n’est pas en amortissant tel ou tel bien publics, en admettant en non-valeur telle ou telle taxe non recouvrée, en diminuant sans cesse nos dépenses que l’on améliorera la confiance de notre population et donc in fine le résultat de notre compte administratif
Tous les économistes sérieux disent même qu’une réduction trop forte des dépenses publiques conduit à aggraver la crise.
C’est pourquoi il faut suivre l’objectif de notre nouveau président de la république qui veut qu’à côté de l’objectif de redressement des comptes publics soit poursuivi celui de la croissance soit aussi de l’équation.
Alors comment faire en Polynésie ?
Voici quelques suggestions :
Il faudrait déjà redémarrer la machine par une relance économique. Elle ne peut venir que des investissements publics. Certes il faut diminuer nos dépenses de fonctionnement mais il faut aussi mieux liquider nos dépenses d’investissements. Nous avons la chance de disposer de dotations d’investissements de la part de l’Etat et de contrat de projet. Il faut nous appuyer sur ces outils. Certes nous avons notre quote part à apporter mais cela reste toujours moins que si nous avions à tout financer tout seul c’est un levier d’investissement public intéressant. Il n’est pas normal que le taux de consommation des crédits disponibles soit si faible.
Nul besoin les concernant de s’endetter sans mesure. Certes les nouvelles modalités imposées par l’Etat dans la mise à disposition des crédits d’investissement ont peut-être eu un impact cette année sur la consommation des crédits d’investissements. Mais notre problème est structurel. Il n’est pas dû à ce Gouvernement. Tous les rapports sénatoriaux traitant de la DGDE ont toujours pointé cette carence.
Avant donc d’aller chercher l’argent là où il n’est plus, sachons nous armer pour mieux utiliser, de celui qui nous est mis à disposition.
Pour cela il nous faut un outil de planification des investissements publics. Et c’est pour cela que je trouve très bien que le projet de loi du pays sur le schéma d’aménagement générale ait été programmé pour la même séance que celui sur le présent compte administratif.
Nous devons en effet donner à notre développement , c'est-à-dire lui donner une ligne directrice pour les 10 ou 20 prochaines années dans le cadre d’un objectif de développement durable.
Un tel schéma d’aménagement constituera un outil qui nous permettra de mieux négocier et de mieux planifier nos besoins financier. Par ailleurs et c’est le plus important, pour peu que ses orientations soient cohérentes et partagées par le plus grand nombre il redonnera confiance à notre population en un possible futur plus serein.
Je vous remercie.