LP portant traitement des situations de surendettement des particuliers.
Exposé devant l’APF : LP portant traitement des situations de surendettement des particuliers
(Séance du 09 décembre 2011)
Mme Alice PRATX
Monsieur le Président de la Polynésie française,
Monsieur le Vice-président,
Monsieur le Ministre en charge de l’économie,
Madame, Messieurs les membres du gouvernement,
Monsieur le Président de l’assemblée de la Polynésie française,
Madame la Présidente de la commission des affaires économiques, du tourisme, de l’agriculture, de la mer et des transports.
Mesdames et Messieurs les représentants à l’Assemblée de la Polynésie française,
Cher public,
Ia orana,
C’est dans le cadre d’une saisine du Président de la Polynésie française, formalisée par un courrier du 15 juillet 2011, que le CESC a eu à examiner le projet de « loi du pays » portant traitement des situations de surendettement des particuliers.
Cette saisine a donné lieu à 11 séances de la commission « Economie» au sein de laquelle la société civile organisée a pu recevoir les collaborateurs du ministre en charge de l’économie, le directeur de l’Agence de Polynésie française de l’IEOM, la Direction générale des affaires économiques, la Direction des affaires sociales, la CPS, le Comité de Polynésie de l’Association française des banques, des associations qui s’occupent des personnes en situation de précarité.
En ma qualité de rapporteur, j’ai l’honneur de vous exposer une synthèse de l’avis du CESC, rendu en assemblée plénière le 18 août 2011, sur ce projet de « loi du pays ».
Je rappellerai tout d’abord que l’objet de ce texte est d’instituer et réglementer un dispositif de traitement des situations de surendettement des particuliers en Polynésie française, en particulier grâce à la mise en place d’une commission ad hoc.
Il n’existe pas de statistiques officielles sur le surendettement en Polynésie française. Toutefois, le CESC souligne que la cette problématique entre en résonnance avec la dégradation durable et profonde de l’économie polynésienne, les pertes d’emplois aggravées, et l’insécurité financière et sociale qui en résulte pour les familles.
En effet, plusieurs signaux doivent nous interpeller :
- L’IEOM relève que les créances douteuses brutes des ménages ont augmenté de 7,8% de 2008 à 2010 ;
- La CPS constate que le nombre de ressortissants du RSPF a augmenté de 4,3% de 2009 à 2010 et de 4,8% de 2010 à 2011 ;
- La Direction des affaires sociales (DAS) signale que le nombre de bons alimentaires distribués a doublé ces 2 dernières années
LES OBSERVATIONS ET RECOMMANDATIONS du CESC sont les suivantes :
1- Sur le principe :
Le CESC a accueillie favorablement ce projet de « loi du pays » qui répond aux attentes de la société civile.
Dans son rapport publié en 2005 portant sur « L’encadrement de la situation de surendettement des particuliers en Polynésie française », le CESC avait déjà insisté sur la nécessité d’instituer une commission de surendettement.
En effet, je vous rappelle que la question du surendettement est un sujet de préoccupation ancien qui a donné lieu à des travaux de réflexion depuis 2004[1].
le CESC regrette, comme trop souvent, que les nombreux projets d’arrêté d’application subséquents au projet de « loi du pays » devant être pris en conseil des ministres n’aient pas été communiqués au CESC ( LP3, LP4, LP 27). En effet, les arrêtés seraient utiles pour une meilleure étude des projets de "loi du pays".
2- Sur le fond :
Le CESC considère que ce dispositif doit impérativement être accompagné d’un volet complémentaire favorisant la prévention du risque de surendettement.
La définition et l’amélioration des mesures de prévention doivent s’appuyer sur une meilleure connaissance de la problématique du surendettement en Polynésie française.
Le CESC émet les recommandations suivantes :
A - Le renforcement et l’amélioration de la prévention du surendettement
Le CESC propose les mesures de prévention suivantes permettant d’alerter les consommateurs et de responsabiliser les créanciers :
- améliorer l’information sur le crédit (dans ses multiples formes) et les risques de surendettement,
- développer les formations des ménages sur la gestion d’un budget familial et sur les mécanismes qui concourent au surendettement,
- améliorer la prévention sur les risques liés à certaines pratiques commerciales : le crédit commerçant ou crédit maison, le démarchage à domicile,
- étudier l'opportunité et la faisabilité de la mise en place d'un fichier central des crédits en Polynésie française.
B - L’amélioration de la connaissance sur le surendettement
Le CESC recommande de porter une attention particulière sur les dossiers de demandeurs qui ont rencontré des incidents de la vie liés notamment à la dégradation de la vie économique du Pays.
L’institution d’une commission de surendettement aura le mérite d’améliorer la connaissance sur la nature et les facteurs de surendettement des particuliers en Polynésie française. Elle devrait surtout permettre à terme aux décideurs publics de définir des mesures de prévention éclairées et plus efficaces.
A l’image de l’observatoire du surendettement dans les autres collectivités d’Outre-mer, le CESC recommande d’améliorer la connaissance sur le surendettement et la typologie des personnes surendettées.
C - Une appréciation globale et affinée de la situation de surendettement
Le CESC soutient que la situation de surendettement doit nécessairement être appréciée dans sa globalité et qu’il ne faut pas se focaliser uniquement sur le crédit bancaire des particuliers.
En effet, l’ISPF observe que les ménages les plus précaires ont une faible propension à recourir au prêt personnel.
En Polynésie française, les crédits de consommation sont souvent liés à l'acquisition d'un véhicule automobile. Les crédits automobiles, les crédits commerçants ou maisons (encaissement différés de chèques, règlement à la fin du mois, etc.) sont des modes de paiement attractifs qui participent à l’endettement des ménages.
D - Des moyens nécessaires à la commission et aux services pour l’instruction des dossiers de surendettement
Le dispositif ne pourra être efficace que si la commission, les services concernés et le juge d’exécution ne sont pas submergés de dossiers de surendettement du fait d’un effet d’aubaine.
Le CESC considère que les organismes qui vont concourir au fonctionnement de la commission de surendettement doivent disposer de suffisamment de ressources et de moyens pour assurer leurs missions.
E - Le contrôle d’un risque probable de renchérissement du coût du crédit pour les particuliers
Le Comité en Polynésie française de l’association des banques française explique que la mise en place du dispositif de traitement du surendettement risque d’avoir des effets indirects sur le renchérissement du coût du crédit et sur la restriction des crédits.
Le CESC recommande que les pouvoirs publics soient attentifs à ces évolutions afin de prévenir et limiter les effets induits sur le budget des ménages.
Par ailleurs, le CESC recommande une clarification des compétences entre l'Etat et la Polynésie française concernant les contrôles, sanctions et pénalités en matière de tarification des crédits.
Le CESC préconise surtout que la commission de surendettement joue un rôle pédagogique et participe à l’amélioration des relations entre les ménages surendettés et les banques.
3- Sur le projet de « loi du pays » examiné par article :
L’examen du projet de « loi du pays » soumis à l’avis du CESC, par article, a appelé les observations et recommandations suivantes :
Article LP 2 : au b), premier tiret, qui prévoit que la commission de surendettement comprenne « un représentant des associations familiales ou de consommateurs », le CESC propose de scinder le premier tiret du point b) conformément à la rédaction suivante :
« - Un représentant des associations familiales ;
- Un représentant des associations de consommateurs agréées selon la législation en vigueur»
Le CESC recommande également de fixer une durée à la mandature des membres qui composent la commission de surendettement.
Article LP 4 : au I, deuxième alinéa, le CESC préconise de réduire la durée d’examen de la recevabilité du demandeur fixée à 3 mois à une durée plus courte de 2 mois dans un souci de réactivité.
Article LP 19 : à l’avant dernier alinéa, qui prévoit que les frais relatifs à toute mesure d’instruction jugée nécessaire par le tribunal sont à la charge de la Polynésie française, le CESC préconise que ces frais d’instruction ne soient pas intégralement supportés par la Polynésie française mais que l’Etat apporte son concours.
Aux articles LP 22, 23 et 25, des dispositions prévoient que le greffe procède à des mesures de publicité à l’égard des créanciers qui n’auraient pas été avisés d’une recommandation de la commission ou d’un jugement du tribunal, de former tierce opposition à l’encontre d’un jugement ou d’une décision du tribunal.
Le CESC préconise que les moyens d’information et de communication nécessaires et adéquates soient employés pour informer au mieux les créanciers non avisés, en tenant compte en particulier des contraintes liées à l’éloignement et à l’isolement de certaines îles.
A l’article LP 33, le CESC observe que la CPS aurait souhaité faire partie des organismes pour lesquels le dispositif de traitement de surendettement ne s’applique pas.
Le CESC considère que les créances de la CPS méritent un traitement particulier. Il propose que la commission de surendettement puisse solliciter le rééchelonnement, la modération ou la remise des dettes, mais que ces mesures soient prononcées par le conseil d’administration du régime d’affiliation concerné après validation de la commission de remise gracieuse.
Dans sa conclusion, le CESC affirme que dans le contexte économique actuel, le projet de texte qui lui est soumis, bien que nécessaire, ne résoudra pas les problèmes de fond liés à la perte et à la précarisation des emplois, facteurs de surendettement en Polynésie française.
En accompagnement du présent projet de "loi du pays", le CESC recommande de mettre en œuvre sans plus tarder un véritable plan de redressement de l’économie polynésienne favorisant le maintien et la création d’emplois.
Sous réserve de ses observations et recommandations, le CESC a émis un avis favorable au projet de « loi du pays » traitement des situations de surendettement des particuliers.
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Certaines recommandations et observations ont été exprimées en assemblée plénière, dans le cadre de l’étude du texte.
Il a été demandé aux autorités de l’Etat et à celles du Pays de se concerter afin de clarifier les compétences en matière de constatation et de sanction des infractions à la règlementation bancaire protégeant le consommateur, de modifier les dispositions législatives pour confier aux agents assermentés de la direction générale des affaires économiques, la possibilité de constater et de poursuivre les pratiques non conformes, et le cas échéant d’établir des conventions entre l’Etat et le Pays à cette fin.
J’en ai terminé Monsieur le Président,
Je vous remercie de votre attention à toutes et à tous. Mauruuru.
[1] Depuis la loi organique n°2004-192 du 27 février 2004, l’initiative de la création d’une commission de surendettement revient à la Polynésie française.